Le pétrole tchadien change un peu le pays mais tous n’en profitent pas
Pays parmi les plus pauvres d’Afrique, le Tchad, longtemps miné par les conflits, ne profite pas encore pleinement de la manne du pétrole découvert dans le Sud et exploité depuis 2003.
Le pays s’était engagé à affecter 70% de ses revenus pétroliers à la réduction de la pauvreté en échange du financement par des organismes internationaux d’un oléoduc permettant d’acheminer le pétrole produit dans la région de Doba (450 km au sud-est de N’Djamena) sur plus de 1. 000 km à travers le Cameroun jusqu’au Golfe de Guinée.
Mais en 2008, la Banque mondiale a supprimé son aide aux infrastructures pétrolières tchadiennes, reprochant à N’Djamena de n’avoir jamais respecté les accords.
Signe de la grande pauvreté du pays, l’Indice de développement humain (IDH) place le Tchad en 2010 au 163e rang sur 169 pays, et selon le rapport 2010 « Indice de la faim dans le monde » de l’Institut international de recherche sur l’alimentation (Ifpri), les « niveaux de faim » y sont « extrêmement alarmants ».
« Le Tchad a commencé à percevoir des revenus (du pétrole) à partir de 2004 », souligne le ministre des Infrastructures, Adoum Younoussmi, selon lequel le pays qui produit en moyenne 120. 000 barils par jours, a pu engranger jusqu’à aujourd’hui 3. 000 milliards de FCFA (4,6 milliards d’euros).
D’après le ministre, grâce à cette manne, le Tchad a vu son réseau routier passer de 300 km à plus de 2. 000 km et plus de 300 km de voirie urbaine ont été réalisés. Le pays qui avait « une seule université » en a cinq et six instituts de formation et a bâti « 2. 000 salles de classe par an » ainsi que des hôpitaux et centres de santé.
Le ministre promet qu’en 2012, « prendra fin le calvaire des Tchadiens » en matière d’électricité, une centrale devant permettre d’éviter les innombrables coupures et délestages. « Le pétrole a apporté de la croissance », résume-t-il.
Avec ses nouvelles routes, le visage de la capitale a incontestablement changé. Toutefois, « le prix des denrées alimentaires a doublé, voire triplé. Les prix ont flambé », souligne un syndicaliste du secteur pétrolier tout en précisant que dans l’ensemble, « le pétrole n’a pas fait que du mal ».
L’avocate Delphine Djiraïbé, figure de la société civile, se montre critique: « Dans la vie des Tchadiens, rien n’a changé. Les gens continuent de mourir de faim, du paludisme ou de diarrhée parce qu’il n’y a pas d’eau potable ».
« Ceux pour lesquels la route est construite, sont ceux qui ont un véhicule », estime-t-elle, en ajoutant que beaucoup des pétro-dollars ont été investis « dans les armes pour préserver la sécurité » dans ce pays longtemps soumis aux « rezzous » (raids) de rébellions.
Selon l’avocate, le président Idriss Deby, au pouvoir depuis 1990 et qui brigue un quatrième mandat lundi, a pu s’appuyer sur la manne pétrolière pour rénover son armée et faire face aux rebelles qui étaient parvenus en 2008 aux portes du palais présidentiel.
« La construction d’infrastructres scolaires, de centres scolaires, c’est visible (. . . ) mais il n’y a pas le personnel adéquat », analyse une autre figure de la société civile, le professeur de droit public Gilbert Maoundonodji. De nombreux bâtiments neufs sont en effet vides ou pas utilisés.
« Est-ce que ce que l’on fait est pour les Tchadiens ou est-ce que c’est pour montrer à la communauté internationale que l’on fait une bonne utilisation de l’argent du pétrole ? », questionne Me Djiraïbé qui reproche à la Banque mondiale d’avoir « attendu que le mal soit fait » et qui plaide pour un développement à « visage humain ».
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