Un cinéma renaît à N’Djamena, sur un continent privé de salles obscures

La poussière vole encore dans la lumière éblouissante qui pénètre par les portes battantes du silencieux cinéma Normandie à N’Djamena, mais la salle est déjà prête à revivre sous l’impulsion des deux cinéastes de ce pays marqué par la guerre.

Un cinéma renaît à N’Djamena, sur un continent privé de salles obscures © AFP

Un cinéma renaît à N’Djamena, sur un continent privé de salles obscures © AFP

Publié le 8 avril 2011 Lecture : 3 minutes.

La salle, le seul vrai cinéma du pays sur un continent où ils ont tendance à disparaître, a été réhabilitée grâce à la volonté du président Idriss Deby Itno qui y a consacré 1,5 millions d’euros.

Elle a été inaugurée officiellement en janvier pendant les festivités du cinquantenaire de l’indépendance après un an de travaux, avant sa mise en exploitation prochaine, pour laquelle aucune date n’a encore été arrêtée.

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Serge Issa Coelo, auteur de deux longs métrages et administrateur du cinéma, soulève les housses qui couvrent des projecteurs rutilants « dernier cri » et s’exclame: « le son est excellent, l’image parfaite! »

A partir d’avril, le Normandie emploiera une dizaine de personnes, diffusera six nouveaux films par mois –un film américain et/ou un européen, un indien et/ou un chinois, un arabe, un film jeunesse et évidemment un africain– et pourra accueillir 470 personnes payant 1500 FCFA (environ 2,30 euros) la place.

« On se disait qu’on n’allait jamais voir ça de notre vie », confie le cinéaste dans la cour intérieure du cinéma construit dans les années 50. « J’ai vu mes premiers films ici, en 1975-76, j’avais 9, 10 ans. Il y avait une autre salle de cinéma, Le Vogue. Les autres salles ont fermé les unes après les autres », se souvient-il.

Autour du cinéma, des Tchadiens sourient à l’évocation des anciennes salles de la capitale. « Il n’y avait pas de télé », dit l’un. « On voyait trois films par jour », embraye un autre qui explique qu’il « trichait » pour entrer. Il se souvient qu’il séchait l’école pour aller dans les salles obscures où il flirtait.

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Dans un pays ravagé par la guerre et la dictature d’Hissène Habré, le Normandie, le Vogue, le Shéhérazade, le Rio, ont périclité pour devenir un hôtel, un commerce ou simplement tomber en décrépitude.

Les habitants de N’Djamena ont pris l’habitude de regarder sur leur télévision des DVD pirates nigérians, des films Bollywood des studios indiens ou des telenovelas brésiliennes, mexicaines ou vénézueliennes. Ils se rendent dans les vidéos clubs diffusant « des films de violence, pas de très bonne qualité, des films pornographiques que voient de jeunes enfants », regrette le cinéaste.

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Fermé depuis 20 ans, le Normandie était devenu « un dépotoir, des toilettes à ciel ouvert, un endroit crasseux, c’était quelque chose d’affreux », dit-il. Ironiquement, c’est sur la fermeture des salles que portait le premier long métrage tchadien, réalisé par Mahamat-Saleh Haroun, « Bye bye Africa ».

Depuis, le réalisateur tchadien n’a eu de cesse de militer pour le cinéma africain et d’alerter sur la disparition des salles de cinéma sur le continent. Vivant en France depuis près de 30 ans, il a été distingué par le prestigieux Prix du jury au dernier festival de Cannes avec « Un homme qui crie ».

Au Cameroun, le dernier cinéma a fermé en 2009 et le Sénégal a vu le nombre de ses salles chuter de 78 à 18 en une vingtaine d’années.

Lors de la première diffusion de son film en Afrique noire, à Dakar en novembre, Mahamat-Saleh Haroun avait dit avoir senti dans son pays, « une soudaine prise de conscience » de l’importance du 7e art.

« A un moment donné, il y a certaines oeuvres qui agglomèrent les gens autour de vous », avait-il ajouté, évoquant cette drôle d’impression que son film avait « cimenté une Nation ».

Le succès de Mahamat-Saleh Haroun a fait prendre conscience aux autorités « que gagner des prix dans un festival est aussi important que gagner une coupe dans un championnat », que cela changeait la « mauvaise image du Tchad », souligne M. Issa Coelo.

La Normandie sur le point d’ouvrir, il parle déjà de la rénovation du Shéhérazade et du Rio, évoque le projet d’une école de cinéma, rêve de faire tâche d’huile dans la région.

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