Côte d’Ivoire: la France frappe des objectifs militaires à la résidence de Gbagbo
La force française Licorne a de nouveau frappé mercredi soir à Abidjan des objectifs militaires à la résidence où se terre le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, qui refusait toujours de se rendre, quelques heures après un assaut manqué des forces d’Alassane Ouattara.
Alors que lundi soir des bombardements de la France et de l’ONU – sur la résidence, notamment – avaient fait s’écrouler l’essentiel du régime, mais sans obtenir que M. Gbagbo jette l’éponge, les tirs de mercredi soir sont survenus à l’occasion d’une exfiltration réussie de l’ambassadeur du Japon.
Face aux « tirs nourris des forces pro-Gbagbo, situées dans et autour de la résidence présidentielle » et « notamment dirigés » vers la résidence voisine de l’ambassadeur de France, « avec des intrusions », la force française a effectué des « tirs de riposte par hélicoptère », selon l’ambassade de France.
A la demande de l’ONU et du Japon, la force Licorne est « intervenue ce soir pour exfiltrer l’ambassadeur et ses collaborateurs de la résidence du Japon », sur les toits de laquelle « des miliciens pro-Gbagbo avaient installé des armes lourdes », « menaçant les ambassadeurs voisins et les populations civiles », indique-t-elle.
L’ambassadeur japonais Yoshifumi Okamura et ses collaborateurs « sont désormais sains et saufs et en sécurité au camp (militaire français) de Port-Bouët », dans le sud d’Abidjan, ajoute-t-elle.
Il n’était pas possible dans l’immédiat de dire quels armements avaient été atteints dans la résidence, qualifiée par une source diplomatique de « vraie poudrière ».
Selon une source proche de l’opération, « au moins un » blindé a été « neutralisé » par un tir de Licorne dans la caserne de la Garde républicaine voisine de la résidence de M. Gbagbo. Un habitant de la zone a fait état de près d’une dizaine de tirs des hélicoptères français. Selon l’ambassadeur du Japon, quatre membres de son personnel local avaient « disparu », et un de ses collaborateurs a été « blessé » lors de l’attaque de ces hommes en armes.
A Washington un responsable du département d’Etat avait indiqué que les diplomates indiens, israéliens et japonais en Côte d’Ivoire ainsi qu’une vingtaine de journalistes ont sollicité l’aide des Etats-Unis pour quitter Abidjan.
« Ils nous demandent de l’aide et nous relayons leurs inquiétudes et leurs besoins à Licorne et à l’Onuci », a déclaré William Fitzgerald, sous-secrétaire d’Etat adjoint chargé de l’Afrique. « Il y a beaucoup de sang dans la maison, des cartouches partout. Je ne sais pas si les quatre sont vivants », a déclaré Okamura Yoshifumi. « Ils sont devant chez moi. J’ai peur qu’ils reviennent », a-t-il ajouté.
Sa demeure est située dans le quartier chic et verdoyant de Cocody, qui abrite la résidence présidentielle.
Les derniers fidèles de M. Gbagbo, lourdement armés, qui défendent le bâtiment où le président sortant est retranché dans son bunker, avaient mis en échec l’assaut lancé dans la matinée par les combattants pro-Ouattara.
Pourtant, au lancement de l’attaque, l’optimisme était de rigueur: « on va sortir Laurent Gbagbo de son trou et le remettre à la disposition du président de la République », avait annoncé à l’AFP Sidiki Konaté, porte-parole de Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara.
Mais à 12H00 (locales et GMT), les tirs à l’arme lourde ont cessé près du palais et de la résidence, plongeant ces quartiers dans un calme inhabituel. En fin d’après-midi, un habitant rapportait que les combattants pro-Ouattara avaient dû effectuer un repli devant la résidence. « Les Forces républicaines (pro-Ouattara) sont arrivées jusqu’à 150 mètres du portail mais ne sont pas entrées », a-t-il dit, évoquant leur « retrait ».
Cette attaque survient au lendemain d’une journée d’intenses mais infructueuses tractations, au cours desquelles M. Gbagbo a refusé de démissionner, malgré d’importantes pressions.
« Moi, je ne suis pas un kamikaze, j’aime la vie », a affirmé M. Gbagbo mardi à un journaliste français. « Ma voix n’est pas une voix de martyr, je ne cherche pas la mort mais si la mort arrive, elle arrive ».
Le camp Gbagbo a dénoncé l’assaut du matin et l’opération de Licorne dans la soirée, y voyant « une tentative d’assassinat du président Gbagbo ». Il a accusé les deux forces de travailler ensemble sur ces interventions.
Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a assuré que la France n’interviendrait pas en Côte d’Ivoire si M. Ouattara faisait appel à elle pour déloger définitivement Laurent Gbagbo. Si la France refuse une aide militaire à M. Ouattara, son rival peut encore se prévaloir d’un soutien: l’Angola, qui possède une des armées les plus puissantes du continent, le considère toujours comme le « président élu ».
Depuis le scrutin présidentiel du 28 novembre, qui a plongé le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest francophone dans une quasi-guerre civile, Laurent Gbagbo n’a jamais reconnu la victoire d’Alassane Ouattara, au terme d’un processus électoral pourtant certifié par l’ONU.
Son régime s’est écroulé, les chefs de son armée ont appelé au cessez-le-feu, les frappes de l’ONU et de la France ont détruit une grande partie de son armemement lourd, de nombreux fidèles ont fait défection, mais il a obstinément refusé de signer sa démission.
A Abidjan, les habitants traumatisés par les récents combats restent pour la plupart terrés chez eux. Dans certains quartiers, les rues quasiment désertes étaient abandonnées aux pillards, l’eau et l’électricité sont coupées par endroits, les provisions de nourriture s’amenuisent. Dans d’autres un début de retour à la normale s’esquisse.
Les affrontements à l’arme lourde dans Abidjan ont fait, selon l’ONU, des dizaines de morts et la situation humanitaire est devenue « absolument dramatique », la plupart des hôpitaux ne fonctionnant plus.
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