Sénégal: les pêcheurs, face au poisson rare, à l’assaut de navires étrangers

Les pêcheurs sénégalais, contraints d’aller toujours plus loin en mer pour trouver du poisson devenu rare, partent à l’assaut de navires étrangers et pressent leur gouvernement de revenir sur les autorisations de pêche qui leur sont accordées.

Sénégal: les pêcheurs, face au poisson rare, à l’assaut de navires étrangers © AFP

Sénégal: les pêcheurs, face au poisson rare, à l’assaut de navires étrangers © AFP

Publié le 3 avril 2011 Lecture : 2 minutes.

« La lutte va continuer tant que ces bateaux étrangers seront dans nos eaux », déclare Dougoutigui Coulibaly, secrétaire général du Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (Gaipes), un syndicat de pêcheurs industriels.

Le Gaipes combat avec les pêcheurs artisanaux les récentes autorisations accordées par l’Etat sénégalais à « 22 chalutiers russes, béliziens, mauriciens, ukrainiens et comoriens » de pêcher des espèces pélagiques dont des sardinelles et des chinchards, selon cette organisation.

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Plusieurs manifestations ont été organisées la semaine dernière contre cette mesure, dont une à Dakar, dispersée à coups de grenades lacrymogènes par la police. Des pêcheurs artisanaux ont plusieurs fois menacé dans la presse d’araisonner ces bateaux étrangers.

« Les poissons donnés aux bateaux étrangers, c’est ce qu’attendent toutes ces pirogues que vous voyez là-bas », affirme Ali Ndiaye Seck, un responsable des pêcheurs de Kayar. Il désigne des embarcations bariolées au large de ce village, importante zone de pêche dans l’ouest du pays.

« S’ils vendent ces poissons, avec quoi nous allons nourrir nos familles ? », s’interroge-t-il.

Le ministre de l’Economie maritime, Khouraïchi Thiam, estime que « 1,4 million de tonnes de poissons pélagiques transitent chaque année » par le Sénégal, en allant du Cap-Vert au Maroc.

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« Les Sénégalais ne peuvent pas accéder à ce stock migrateur faute de moyens. Nous avons permis à des navires étrangers de le faire et ça va nous rapporter 35 dollars par tonne de poisson (pêchée) » de janvier à avril, a-t-il déclaré.

A des accusations sur l’utilisation de cet argent pour financer la campagne du président Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis 2000 et qui a annoncé qu’il allait se représenter pour un nouveau mandat en février 2012, M. Thiam répond: « l’argent sera versé au Trésor public. Wade n’en a pas besoin pour sa campagne électorale. Il va se présenter avec ses propres moyens ».

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Pour les pêcheurs sénégalais, le poisson est devenu rare. « Auparavant, on faisait 15 à 20 km pour en avoir. Il faut maintenant plus de 45 km », affirme l’un d’eux, Mar Mbaye, de Kayar.

L’organisation écologiste Greenpeace considère que « ces nouvelles licences ne feront qu’accélérer le pillage des zones de pêche d’Afrique de l’ouest, autrefois abondantes en poisson », alors qu’à Kayar les pêcheurs ont cherché à préserver la ressource.

« En 1994, nous avons décidé de limiter les débarquements (de poissons) et d’interdire des engins de pêche destructeurs. Des espèces comme les mérous jaune et noir, les dorades, les badeiches, les capitaines et les rougets qui avaient disparu de Kayar reviennent depuis quelques années », dit Ali Ndiaye Seck.

Ces « initiatives locales de conservation de la ressource » sont « un modèle qui inspire le Sénégal, l’Afrique et l’Europe », confirme Moussa Mbengue, chef du service de pêche de Kayar, rattaché au ministère de l’Economie maritime.

« C’est ce bon travail que le gouvernement veut gâcher. S’il ne revient pas sur la mesure, je ne voterai pas pour lui (Abdoulaye Wade) à la prochaine présidentielle », menace Mbar Mbaye.

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