Une Libyenne venue raconter son drame à la presse embarrasse le régime
Elle fait irruption à l’Hôtel Rixos à Tripoli en appelant les journalistes à l’aide. Dans le restaurant, à l’heure du petit déjeuner, elle ouvre son manteau et montre des ecchymoses et des cicatrices sur ses cuisses, affirmant avoir été torturée et violée par des hommes du régime.
Les journalistes brandissent leurs caméras, appareils photos et bloc-notes pour prendre ce témoignage inédit. Mais l’intervention des agents de sécurité omniprésents à l’hôtel est brutale. Des journalistes malmenés, une caméra d’une chaîne occidentale endommagée et des téléphones portables arrachés.
Les larmes aux yeux, la jeune femme dit avoir été torturée et violée à « plusieurs reprises » par les « Kataeb (bataillons) de Kadhafi ».
Se présentant comme Iman Al-Obeidi, elle dit avoir été arrêtée à un poste de contrôle de Tripoli parce qu’elle était originaire de Benghazi, deuxième ville du pays et fief de l’opposition à un millier de kilomètres à l’est de Tripoli.
« Ils m’ont lié les mains et ont abusé de moi durant deux jours », ajoute-t-elle, montrant des contusions sur ses poignets.
« Filmez, filmez, montrez au monde tout ce qu’ils m’ont fait », lance-t-elle en direction des journalistes, au moment où les agents de sécurité tentent de la conduire à l’extérieur.
Alors qu’elle est emmenée vers le parking de l’hôtel, un journaliste lui pose demande où les agents l’emmènent. « A la prison », répond-elle avant d’être embarquée de force dans une voiture.
Un membre des services de sécurité affirme qu’elle sera hospitalisée. « C’est une folle », dit-il. « Elle est ivre. Vous n’avez pas senti l’odeur d’alcool?, lance un autre.
La tension est palpable peu après au cours d’une conférence de presse. Le vice-ministre des Affaires étrangères est venu dénoncer le « soutien » des forces de la coalition internationale aux rebelles, qui a permis samedi aux insurgés de reprendre le contrôle de la ville d’Ajdabiya.
Mais les journalistes n’ont qu’un seul souci: quel sort sera réservé à la jeune femme?
Esquivant les questions sur ce « cas », il affirme qu’il n’a pas d’assez éléments sur l’ »incident » et assure que la femme va être « traitée conformément à la loi ».
« D’après les premiers éléments de l’enquête, la femme était ivre », insiste peu après un porte-parole du régime Moussa Ibrahim.
« Elle a été emmenée dans un hôpital pour qu’on puisse s’assurer de ses capacités mentales », ajoute-t-il sous le regard stupéfait des journalistes.
« Soyez professionnels. Pourquoi vous intéressez-vous au seul cas de cette femme, alors qu’il y en a des centaines qui ont besoin de votre attention? », déplore M. Ibrahim, visiblement gêné.
Et quand les journalistes expliquent qu’ils ne disposaient pas de la liberté de mouvement nécessaire pour aller à la rencontre de ces autres cas, il répond: « C’est pour votre sécurité. Les gens sont en colère après les raids étrangers et peuvent menacer votre sécurité ».
« Nous sommes en train de vérifier qui elle est, qui est sa famille et si on a vraiment abusé d’elle ou il s’agit simplement de fantaisie », ajoute-t-il, affirmant que « l’intégrité physique » de la femme sera assurée.
Les journalistes étrangers accrédités à Tripoli sont cantonnés la plupart du temps à l’hôtel Rixos par le pouvoir libyen. Aucune sortie n’est permise sans l’accord des autorités et sans la compagnie d’un officiel.
Les taxis qui osent transporter des journalistes souhaitant s’aventurer seuls en dehors de l’hôtel risquent la prison. « C’est pour votre sécurité », répète M. Ibrahim.
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