Le piratage, une « plaie » à guérir pour sauver le cinéma africain

« Plaie » qui menace la survie même du cinéma africain, le piratage est devenu un secteur d’activité à part entière qui profite d’une évolution technologique inexorable, face auquel les acteurs plaident pour des solutions innovantes.

Le piratage, une « plaie » à guérir pour sauver le cinéma africain © AFP

Le piratage, une « plaie » à guérir pour sauver le cinéma africain © AFP

Publié le 6 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

Le sujet a été au coeur du festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), rendez-vous du cinéma africain qui s’est clos samedi soir avec la remise du grand prix, l’Etalon d’or de Yennenga, à « Pégase » du Marocain Mohamed Mouftakir.

« Les gens n’ont plus besoin d’aller au cinéma pour suivre un film: le cinéma par les DVD piratés rejoint les cinéphiles dans les salons », remarque un cinéaste marocain, Daoud Aoulad-Syad (« La mosquée »).

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Pour le délégué général du Fespaco, Michel Ouédraogo, le piratage est une « plaie », une « gangrène qu’il faut enrayer pour ne pas laminer la production cinématographique africaine », qui représente 3% seulement des parts du marché mondial.

Un « sida culturel », ose-t-il, qui s’ajoute à la disparition progressive des salles obscures sur le continent.

Nul n’y échappe: les cinéastes africains ont tous des histoires à raconter sur des DVD piratés de leurs propres films qu’on leur propose dans les rues des capitales.

Mais la lutte contre ce fléau est délicate: le piratage alimente le secteur informel et les pouvoirs publics hésitent à sévir, de peur d’attiser la colère.

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« C’est devenu une économie, des emplois, et les gouvernements se disent qu’en sévissant, ils ouvriraient la boîte de Pandore », note le cinéaste camerounais Bassek Ba Kobio (« Le silence de la forêt »).

« On ne peut pas demander aux Etats de fermer tous les vidéo-clubs ou d’enfermer tous les vendeurs de DVD qui sont dans les rues », renchérit le Tunisien Ferid Boughedir, réalisateur de « Halfaouine, l’enfant des terrasses » (1990).

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Pas moins de 70. 000 vidéo-clubs fonctionnent en Tunisie, pour l’essentiel avec des DVD piratés, indique l’ex-directeur des Journées cinématographiques de Carthage.

Avec l’internet et le numérique, « la duplication est beaucoup plus facile et je ne vois pas techniquement comment on peut y mettre fin », souligne M. Boughedir, plaidant pour une approche plus souple.

« La piraterie apparemment est irréversible. C’est pour cela qu’il faut qu’on s’adapte », estime ce pionnier du Fespaco.

Des solutions innovantes comme une taxe sur les DVD vierges servant au piratage sont à l’étude dans certains pays comme la Tunisie ou le Maroc.

« On peut instaurer une taxe de quelques centimes sur la vente de DVD vierges. Comme ça, le type qui achète le DVD ne sait pas qu’il contribue à une petite échelle au financement légal du cinéma local », avance M. Boughedir.

On évoque aussi la possibilité de contraindre les télévisions à verser une quote-part de leurs recettes publicitaires à un fonds de développement du cinéma, qui financerait la production de films et téléfilms, comme en France.

« Le distributeur qui fait entrer James Bond dans le pays devrait être obligé de verser quelques centimes pour le cinéma local », juge aussi M. Kobio.

« On ne peut plus dire à l’Etat de donner des subventions mais d’être un organisme régulateur, de faire des lois qui régulent les marchés, créent des vases communicants pour que chaque fois qu’il y a un nouveau mode de diffusion, ceui-ci contribue au financement du cinéma africain », résume M. Boughedir.

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