Libye: frappe aérienne à Brega, Washington examine « toutes ses options »
Les rebelles ont essuyé jeudi un nouveau raid aérien de l’armée à Brega, site pétrolier mais aussi verrou contrôlant l’accès à Benghazi, fief de l’opposition dans l’Est de la Libye secouée depuis le 15 février par une insurrection contre le régime du colonel Kadhafi.
Le monde entier est « révolté » par la violence contre les Libyens, a déclaré le président américain Barack Obama, réitérant son appel au dirigeant Mouammar Kadhafi à « partir », en prévenant que les Etats-Unis examinaient « toutes (leurs) options » dans cette crise.
Pour la première fois depuis le début de cette révolte, des soldats étrangers, trois Néerlandais, ont été capturés par des hommes loyaux au régime, lors d’une opération d’évacuation dimanche à Syrte, selon les Pays-Bas.
Des opposants ont aussi annoncé avoir fait au moins une centaine de prisonniers lors de la contre-offensive mercredi à Brega. Selon les habitants de cet important site pétrolier, au moins cinq personnes ont été emmenées par les forces pro-Kadhafi au cours de l’offensive appuyée par l’aviation et l’artillerie lourde et qui s’est soldée par au moins 18 morts parmi les insurgés selon des médecins.
Toute la journée jeudi, des insurgés sont partis d’Ajdabiya (70 km à l’est), pour aller prêter main-forte à Brega, que l’opposition dit toujours contrôler.
Dans la matinée, « des avions de guerre ont lâché une bombe (. . . ) entre la compagnie pétrolière et la zone résidentielle », a déclaré AbdelFattah al-Moghrabi, un responsable de l’hôpital de Brega, qui n’a pas fait état de victimes. Un journaliste de l’AFP a vu deux cratères près de la raffinerie.
« Il est très important de protéger Brega parce que s’ils (les pro-Kadhafi) occupent cet endroit, ils se dirigeront ensuite vers Ajdabiya. Or Ajdabiya est un point central pour eux car il permet de connecter l’ouest à l’est et au sud », a expliqué un ingénieur sous couvert de l’anonymat.
« S’il s’emparent de la compagnie (pétrolière de Brega), ils peuvent couper (l’électricité) à Benghazi », a précisé Mohammed Khanis, employé sur le site pétrolier.
Seif al-Islam, un des fils du colonel Kadhafi, a déclaré à la télévision Sky News, que la frappe aérienne sur le site pétrolier de Brega « était destinée à effrayer ». Selon lui, Brega est « le noeud gazier et pétrolier de la Libye. » « Sans Brega, six millions de personnes n’auraient pas d’avenir, parce que c’est de là que nous exportons notre pétrole », a-t-il assuré.
A Benghazi, un porte-parole de l’opposition a évoqué un renforcement de l’armée régulière en direction de Ras Lanouf, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Brega. « Nous attendons de voir s’ils attaquent ou s’ils renforcent la ligne ».
Selon lui, l’armée est appuyée par « un nombre incroyable » de « mercenaires » venus du Tchad, pays frontalier de la Libye. L’opposition a réclamé mercredi des frappes aériennes de l’ONU contre ces « mercenaires ».
Selon la Ligue libyenne des droits de l’Homme, la répression a déjà fait 6. 000 morts.
« Mouammar Kadhafi a perdu sa légitimité et il doit partir », a martelé M. Obama, expliquant qu’il faisait en sorte d’avoir à disposition « toute la gamme des options », militaires ou non. Il a toutefois assuré que les décisions prendraient en considération « ce qui est le mieux pour le peuple libyen ».
L’Otan ne prévoit pas d’intervention mais se prépare « à toute éventualité », a affirmé son secrétaire général de l’Otan, tandis que Paris et Londres ont annoncé vouloir apporter des « propositions audacieuses » au sommet européen sur la Libye prévu le 10 mars.
Sur le plan politique, l’opposition libyenne a catégoriquement refusé jeudi une offre de médiation du président vénézuélien Hugo Chavez. « Nous avons une position très claire: c’est trop tard, beaucoup de sang a coulé », a déclaré à l’AFP un porte-parole de l’opposition Moustapha Gheriani.
A La Haye, le procureur de la Cour pénale internationale a ouvert une enquête contre le colonel Kadhafi et de hauts responsables libyens soupçonnés de « crimes contre l’humanité ».
Côté humanitaire, la situation a atteint un niveau de « crise » à la frontière tunisienne, selon le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés. Plus de 80. 000 personnes sont arrivés au poste-frontière de Ras Jedir depuis le 20 février, et « plus de 20. 000 attendent du côté libyen », selon le chef des pompiers tunisiens sur place.
Un pont aérien vers l’Egypte a été mis en place jeudi, l’Union européenne a annoncé une aide de 30 millions d’euros et le président américain a déclaré avoir approuvé l’envoi de moyens pour participer aux opérations.
Un bateau du Programme alimentaire mondial (PAM), en route pour Benghazi (est de la Libye) avec 1. 000 tonnes de farine, a fait demi-tour jeudi vers Malte avant de pouvoir décharger sa cargaison en raison d’inquiétudes sur sa sécurité.
Face à la flambée des cours du pétrole provoquée par les soulèvements populaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, un dirigeant de la banque centrale américaine (Fed), Dennis Lockhart, a estimé que le risque d’un « choc pétrolier durable » était bien réel.
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