Au Mali, comme ailleurs en Afrique, la cession de terres crée la polémique
La cession de terres agricoles publiques à des investisseurs étrangers où privés du pays suscite au Mali, comme ailleurs en Afrique, une vive polémique, l’Etat étant accusé de brader des milliers d’hectares au détriment des paysans locaux, ce dont il se défend.
Dans ce pays désertique, la plupart des terres cultivables sont regroupées au sein d’un établissement public, l’Office du Niger.
Aménagé dans le delta intérieur du fleuve Niger, créé en 1932 sous la colonisation française, il est le plus ancien des périmètres irrigués d’Afrique de l’ouest et l’un des plus étendus. Il comprend 960. 000 hectares de terres, dont environ 100. 000 sont aménagées, essentiellement en rizières travaillées par 35. 000 paysans, l’objectif du pouvoir du président Amadou Toumani Touré étant de parvenir à l’autosuffisance alimentaire.
« L’Office du Niger n’a plus de politique de gestion des terres », accuse Oumar Mariko, dirigeant du parti Solidarité africaine pour le développement et l’intégration (Sadi, opposition), un des premiers à avoir dénoncé des cessions de terres dans des conditions jugées opaques.
Selon lui, « on assiste à l’abandon de notre souveraineté au profit d’opérateurs exerçant leur principale activité hors du secteur agricole ».
Des pans entiers de terres de l’Office ont été cédés à des pays comme la Libye, représentée par la société Malibya qui à un projet d’aménagement de 100. 000 hectares, à des sociétés privées maliennes, mais aussi à l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uémoa, 8 pays dont le Mali).
Dans un « Memorandum sur la cession des terres de l’Office du Niger aux investisseurs privés étrangers et nationaux » publié début février, le Parti pour la renaissance nationale (Parena, opposition) affirme que 472. 000 hectares ont été cédés à des étrangers, plus de 233. 000 à des privés maliens.
« Sans aucune assurance, à ce jour, que cette politique de cession de terres agricoles permettra d’atteindre l’autosuffisance alimentaire », affirme le Memorandum. Il ajoute qu’une telle politique suscite « de profondes inquiétudes des populations installées dans cette région dont certaines risquent d’être chassées des terres qu’elles exploitent depuis plusieurs générations ».
L’Association des organisations professionnelles paysannes du Mali (AOPP), est également mobilisée. « On veut être sûr que la terre va continuer d’appartenir aux paysans. On ne veut pas devenir manoeuvres pour des riches qui vont nous exploiter. C’est à l’Etat malien de nous protéger », estime Drissa Traoré, un des dirigeants de l’AOPP.
Kassim Denon, PDG de l’Office du Niger, rejette en bloc ces accusations. « Il n?y a jamais eu de cession de terres, jamais. Les terres de l?Office du Niger appartiennent à l?Etat. Les exploitants y sont installés sur la base d?un bail, variable selon la taille de l?exploitation », a-t-il affirmé à l’AFP.
Selon lui, « il n’est pas question de céder des terres à des nantis au détriment des paysans. En août 2010 par exemple, (des baux) attribuant 228. 796 hectares à diverses personnes ont été résiliés pour non respect de la loi ».
Amadou Tioulé Diarra, responsable d’une association malienne de défense des droits de l’homme, juge que « pour plus de transparence, il serait utile que la direction de l’Office publie la liste des bénéficiaires de terres, et la nature des documents signés entre eux et l’Etat ».
Ce que l’Office du Niger a promis de faire sur internet, « pour montrer qu’on ne brade pas les terres au Mali ».
La cession de terres est un sujet sensible dans plusieurs pays africains. A Madagascar, les négociations en 2009 entre le président Marc Ravalomanana et le groupe sud-coréen Daewoo auquel il entendait louer une grande partie des terres arables de son pays, avaient contribué à sa chute quelques mois plus tard.
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