En Egypte, les Frères musulmans inspirent méfiance ou déférence

« Amis des pauvres et des orphelins » ou « fanatiques inféodés à l’Iran »: les puissants Frères musulmans, bête noire du régime contesté de Hosni Moubarak, ne laissent personne indifférent en Egypte.

En Egypte, les Frères musulmans inspirent méfiance ou déférence © AFP

En Egypte, les Frères musulmans inspirent méfiance ou déférence © AFP

Publié le 10 février 2011 Lecture : 3 minutes.

Si la principale force de l’opposition — et la mieux structurée — tente de garder profil bas au sein du mouvement de révolte sans précédent qui secoue l’Egypte, cette confrérie islamiste suscite la crainte des Occidentaux, qui redoutent l’instauration d’un régime islamique après le départ de M. Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans.

Dans le quartier Manial al-Roda, au centre du Caire, tout près de l’un des sièges de la confrérie, les gens sont clairement partagés quant à la perspective d’une arrivée des « Ikhwan » (frères) au pouvoir.

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« Leurs associations aident les pauvres, les orphelins et les miséreux, ce sont des gens biens, intègres », soutient Ahmed Moustapha, employé de télécommunications, en référence au réseau social et caritatif qui a fait la popularité du mouvement.

Cet homme de 55 ans à la barbe blanche espère qu’à l’avenir, la confrérie raflera plusieurs sièges au Parlement, après s’être retirée des législatives de décembre en raison de « fraudes » au premier tour.

« Il n’y a aucune raison d’avoir peur d’eux, ils ne pourront pas gérer l’Etat comme ils l’entendent. En plus d’eux, il y a les chrétiens, et nous ne faisons qu’un », estime-t-il, en allusion aux craintes de la minorité copte (6 à 10% de la population du pays).

Raghb, portier qui touche 200 livres égyptiennes (environ 33 dollars) par mois, est convaincu que les « Frères » seraient meilleurs que « le gouvernement pourri » de M. Moubarak, en raison de leur « grande piété ».

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« Ils suivent la voie d’Allah, ils ne jurent que par Lui et par l’islam », dit cet homme vêtu d’une gallabiya, tunique longue typique d’Egypte.

Mais pour d’autres, c’est justement ce zèle religieux qui inquiète.

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« On ne les aime pas, ils ont leur propre système, leurs propres règles », dit Abdel Nasser, employé à Mobinil, une compagnie de téléphonie mobile.

« C’est inquiétant, ce sont des fanatiques, ce n’est pas comme cela que nous concevons l’Islam », assure cet homme de 35 ans.

La confrérie, née en 1928 sous l’impulsion de Hassan al-Banna lui-même influencé par les réformateurs musulmans du XIXe siècle, a répété récemment qu’elle ne recherchait pas le pouvoir et qu’elle était en faveur d’un « Etat civil ».

Mais certains semblent convaincus par la campagne menée par le pouvoir contre les « Ikhwan » qui accusent en retour le régime de les représenter comme un épouvantail aux yeux des Egyptiens et de l’étranger.

« Ils n’ont aucune expérience. Si l’Etat tombe entre leurs mains, ce sera comme au Liban, comme en Irak. Il y aura des gangs partout et le pays sera divisé », lance Sobhi Dalal Mohammad, fonctionnaire.

« Vous avez vu ce qui s’est passé entre le Fatah et le Hamas? On n’a pas besoin de ça. Au moins avec Moubarak, on n’a pas eu de guerre en 30 ans, on est en sécurité », ajoute-t-il en référence aux deux mouvements palestiniens rivaux.

Cet homme de 47 ans se dit également irrité par l’ »arrivisme » des Frères. « Ils ne sont apparus que le 25 janvier (date de déclenchement de la révolte) ils étaient où avant? Ils viennent très en retard ».

D’autres vont jusqu’à les accuser d’être de « faux dévots ».

« Ils ne sont pas du tout populaires. Ils aident les gens sous couvert de la religion, mais c’est pour servir leurs propres intérêts », dit un conducteur qui s’est arrêté au milieu de la rue pour donner son opinion.

« Ces gens sont rattachés à l’Iran, on n’en veut pas », lance-t-il.

« Il ne faut surtout pas les croire », renchérit sa femme voilée, avec un sourire narquois.

Pour Gamal, la confrérie ne lui fait ni chaud ni froid.

« Ils sont isolés. Ce sont les chancelleries et les médias étrangers qui leur donnent de l’importance », lâche-t-il.

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