Abdellah Taïa, un écrivain marocain qui « assume » son homosexualité
Le romancier Abdellah Taïa est le premier écrivain marocain à proclamer ouvertement son homosexualité tout en s’affirmant musulman dans un pays qui interdit cette orientation sexuelle et où l’islam est religion d’Etat.
Avec sa silhouette frêle, son sourire timide et un visage d’adolescent, l’écrivain de 37 ans a la voix à peine audible.
Né dans un quartier pauvre de Salé, ville jumelle de Rabat, Abdellah Taïa a vécu au Maroc jusqu’à l’âge de 26 ans avant de partir en 1999 à Paris, où il habite actuellement. Il a été désigné lauréat du prix de Flore 2010, une distinction récompensant un talent prometteur.
« Mon père était chaouch (coursier) à la Bibiothèque nationale de Rabat. Nous étions neuf enfants et vivions entassés dans deux pièces à Hay Salam, un quartier pauvre de Salé », a confié Abdellah Taïa dans un entretien à l’AFP.
« Mon enfance était marquée par la pauvreté. Il n’y avait rien à manger. Il fallait lutter pour manger. On passait nos journées dans la rue. On était des va-nu-pieds », a-t-il ajouté.
Entre 1973 et 1999, date de son départ en France, Abdellah Taïa a mené une « vie difficile » au Maroc, où il a effectué des études universitaires en littérature française.
« Ma condition d’homosexuel, je l’ai sentie dès l’âge de 13 ans, au collège. Mais malgré cela, je me sens musulman. Il n’y a pas d’incompatibilité entre l’islam et les choix relatifs à l’identité sexuelle », dit-il.
Son second roman « Le rouge du tarbouch » (Séguier, 2005) est une autobiographie dans laquelle il raconte sa nouvelle vie à Paris, ville de ses « rêves marqués par le cinéma et l’écriture », mais une « ville qui ne vous relève pas si vous tombez ».
Dans ce roman, il évoque également son homosexualité, qu’il va proclamer de manière plus ouverte en 2007 dans un entretien au magazine marocain Tel-Quel (francophone, indépendant).
Il est aussitôt critiqué par une partie de la presse marocaine et certains courants islamistes, qui lui reprochent l’utilisation de son homosexualité « pour se faire connaître en Occident ».
« Je suis le premier écrivain marocain qui ait parlé ouvertement de son homosexualité, en l’assumant, mais sans tourner le dos au pays d’où je viens », souligne Abdellah Taïa.
« Pour moi l’homosexualité n’est pas une cause, mais une liberté individuelle. Il est normal que je défende les homosexuels parce que ce sont des individus opprimés ».
L’article 489 du code pénal marocain punit l’homosexualité « de six mois à trois ans d’emprisonnement ».
« Évidemment, mon statut d’écrivain édité par de grandes maisons françaises me protège », explique M. Taïa.
« Mais je peux dire qu’en dépit des régressions que connaît le Maroc, il y a eu au cours des dix dernières années des choses extraordinaires en termes de proclamation des libertés individuelles par plusieurs composantes de la société marocaine, soutenues par la presse indépendante », a-t-il précisé.
En décembre 2009, Abdellah Taïa est nommé membre de la commission d’avance sur recette au Centre national (français) du cinéma et de l?image (CNCI) par le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, avec lequel il a publié « Maroc 1900-1960, un certain regard » (Actes Sud, 2007).
« Je me sens très attaché au Maroc où je viens plusieurs fois an et où je me sens malgré tout comme tout le monde. Je viens du même monde, de la même intelligence », dit-il.
Très critiqué par les mouvements islamistes à cause de son homosexualité, Abdellah Taïa affirme que « ces courants, minoritaires, sont la conséquence de l’échec de la politique sociale dans le monde arabe ».
« Ce qui m’intéresse, c’est la majorité écrasante, ceux que l’on appelle les musulmans tout court et auxquels je me sens appartenir », conclut-il.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...