Thabo Mbeki, un médiateur aguerri mais controversé pour la Côte d’Ivoire
L’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, nommé médiateur de l’Union africaine (UA) en Côte d’Ivoire, revient à Abidjan après une première expérience mitigée dans ce pays et une intercession tout aussi controversée au Zimbabwe.
L’ancien dirigeant, 68 ans, est arrivé dimanche à Abidjan, où il doit rencontrer les deux rivaux qui revendiquent la présidence : le chef d’Etat sortant, Laurent Gbagbo et son rival Alassane Ouattara, soutenu par la communauté internationale.
Le promoteur de « solutions africaines aux problèmes africains », également chargé du Soudan pour l’Union africaine (UA), a déjà effectué une médiation en Côte d’Ivoire de 2004 à 2006. A l’époque, il avait réussi à arracher un accord (à Pretoria en avril 2005) proclamant la « fin des hostilités ».
Mais le texte était largement resté lettre morte et Thabo Mbeki, accusé par les rebelles du nord d’être un « partisan acharné » de Laurent Gbagbo, s’était vu retirer le dossier en octobre 2006.
Cette expérience amère reste un avantage parce qu’il « est très familier des difficultés entre les parties en Côte d’Ivoire », estime Siphamandla Zondi de l’Institut pour le dialogue global, un centre de recherches sud-africain.
Pour l’analyste, il lui faudra toutefois corriger deux « faiblesses »: « il devra mieux communiquer pour ne pas être accusé » de partialité et « il devra inclure dans les discussions les acteurs périphériques comme le Nigeria, le Sénégal, la France, les Etats-Unis ou l’ONU. «
Ces travers – une tendance à centraliser les décisions et à n’en référer à personne – font partie intégrante du style Mbeki et lui ont coûté très cher dans son pays.
Perçu par ses détracteurs comme un intellectuel distant et coupé des réalités il a été mis à la porte de la présidence par son propre parti, le Congrès national africain (ANC) en septembre 2008.
A l’époque, il paie également le prix de ses absences à répétition dues à ses multiples engagements sur la scène internationale.
Thabo Mbeki, qui a forgé son expérience de négociateur dans les années 1980 en nouant les premiers contacts entre l’ANC et le régime de l’apartheid, a toujours été convaincu que l’Afrique du Sud devait servir de point d’appui à une « Renaissance africaine ».
C’est pourquoi il a accepté au début de son mandat (1999-2008) de servir de médiateur au Burundi, puis en République démocratique du Congo (RDC), où il a enregistré un certain succès.
Il a ensuite été nommé facilitateur au Zimbabwe, où son bilan est beaucoup plus critiqué. Pour ne pas s’aliéner le président Robert Mugabe, cet apôtre d’une « diplomatie discrète » a toujours refusé de le condamner malgré ses violations des droits de l’Homme.
Surtout, il a poussé à la mise en place d’un gouvernement d’union, formé en février 2009, qui fonctionne très difficilement.
Là encore, il semble que le médiateur n’ait pas écouté les conseils périphériques. « Thabo Mbeki favorise la stabilité et dans son esprit cela passe par un gouvernement d’union » écrivait en 2007 l’ambassadeur des Etats-Unis à Harare, Christopher W. Dell, dans un câble révélé sur le site Wikileaks.
« Nous devons empêcher Pretoria d’imposer cet arrangement qui perpétuerait un statu quo aux dépens d’un vrai changement et de réformes », ajoutait-il de manière visionnaire.
Pour Siphamandla Zondi, il est toutefois fallacieux de rejeter la faute sur Thabo Mbeki: « le rôle du médiateur est de permettre aux parties de s’entendre dans l’intérêt de leur pays, dit-il. La responsabilité d’appliquer leurs accords revient aux acteurs locaux. «
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