Festival Lagos Photo: quand les Africains racontent leur propre histoire

« Il était temps pour nous de raconter notre propre histoire ». Installé dans un fauteuil futuriste vert, signé d’un jeune designer nigérian, Azu Nwagbogu explique pourquoi il a fondé Lagos Photo, devenu en cinq ans l’un des plus grands festivals de photographie du continent africain.

Festival Lagos Photo: quand les Africains racontent leur propre histoire © AFP

Festival Lagos Photo: quand les Africains racontent leur propre histoire © AFP

Publié le 20 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Depuis ses débuts, ce festival s’est attaché à montrer la vie en Afrique à travers les yeux d’Africains, et non de photographes occidentaux.

« L’histoire de l’Afrique telle qu’on nous l’a enseignée est tellement fausse! La façon dont on a pris conscience de nous-mêmes, en tant qu’Africains, a été tellement +batardisée+ par les médias populaires », déplore Azu Nwagbogu, dans son salon occupé jusqu’au plafond par des dizaines de photographies et des centaines de livres.

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Pour sa cinquième édition, Lagos Photo s’autorise à rêver, autour du thème « mettre en scène la réalité/ documenter la fiction ». Il s’agit d’encourager les photographes à aller au-delà des réalités de la vie quotidienne.

A l’Eko Hotel, un des lieux d’exposition du festival sur Victoria Island dans les quartiers chics de Lagos, Mary Sibande présente la série « Long live the dead Queen ». Dans celle-ci Sophie, une femme noire très ronde, mélange les genres, avec sa majestueuse robe victorienne, assorti d’un tablier de femme de ménage, et s’imagine, les yeux fermés, dans différentes situations, avec des colliers multicolores, des jupons de tulle, une ombrelle.

Une façon pour l’artiste sud-africaine de s’interroger sur le rôle de la femme dans la société, elle qui est issue d’une famille où toutes les femmes ont été employées de maison depuis trois générations.

Au Freedom Park, un carrefour culturel et un poumon de verdure aménagée à la place d’une ancienne prison coloniale détruite, au milieu des tours de Lagos, des « Walés », jeunes mères de la tribu pygmée Ekonda, en République démocratique du Congo, mettent en scènes des rites initiatiques avec beaucoup d’auto-dérision, dans des scènes éclatantes de couleurs, devant l’objectif complice du Français Patrick Willocq.

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– Stimuler l’imagination –

Parmi la quarantaine de photographes présentés cette année, de nombreux nigérians sont exposés : Ade Adekola explore le mythe de la réincarnation dans la culture yoruba, une des trois grandes ethnies nigérianes, alors que Jide Odukoya joue avec les codes « bling-bling » de la bourgeoisie africaine dans une série de clichés pris lors de fêtes opulentes.

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« C’est une des choses dont nous, (Africains), avons souffert: nous n’avons pas stimulé assez notre imagination. Nous n’avons pas été encouragés à le faire, parce qu’on a été encouragés à se focaliser sur les premières nécessités », souligne Azu Nwagbogu.

Or « tous les grands développements, tous les grands bouleversements sociologiques proviennent de l’imagination ».

A travers des ateliers, des cours et des débats, les jeunes Nigérians sont encouragés à se confronter à ces oeuvres et à échanger avec les photographes, pour développer un regard critique quant à leur propre quotidien.

« La photographie est vraiment le média le plus puissant, parce que tout le monde peut participer », insiste M. Nwagbogu.

Ce festival est aussi l’occasion d’immerger de grands photographes étrangers dans le chaos de Lagos, et de capturer leur regard sur cette mégalopole fascinante de près de 20 millions d’habitants.

Le Hollandais Hans Wilschut, un « accro » à cette ville qu’il a déjà photographié une demi-douzaine de fois, expose pour la quatrième année à Lagos Photo.

Cette fois-ci, il y présente « When light shines in the dark » (quand la lumière brille dans le noir), une série de clichés pris dans un quartier populaire de Lagos où la lumière a été installée pour la première fois.

Cela donne des scènes de vie quotidienne presque abstraites, imprimées sur de grands panneaux en plexiglas, traversées par des flux de lumière qui leur donnent un aspect surnaturel.

Le Britannique Martin Parr, connu du grand public pour ses clichés satiriques sur les touristes à travers le monde, a profité d’être l’invité d’honneur de Lagos Photo, l’année dernière, pour poser son regard décalé sur la faune éclectique de Lagos, depuis l’arrière de sa voiture, pris dans les embouteillages.

Cela a donné « drive by shooting », une série de scènes de rue étonnante, qu’on espère voir exposée à Lagos Photo en 2016.

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