Côte d’Ivoire: la Fesci, syndicat étudiant aussi puissant que sulfureux
La Fesci, le plus grand syndicat étudiant de Côte d’Ivoire, dont des éléments se sont ces derniers jours confrontés avec des jeunes de l’opposition, est une force aussi crainte que controversée et un vivier de partisans du président-candidat Laurent Gbagbo.
Les violentes échauffourées d’Abidjan entre ces étudiants et des partisans de l’autre finaliste du second tour de la présidentielle de dimanche, l’ex-Premier ministre Alassane Dramane Ouattara (« ADO »), ont donné le ton d’une fin de campagne tendue.
Elles ont aussi rappelé que la Fesci (Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire) reste un acteur politique de poids.
Deux de ses dirigeants des années 1990 ont d’ailleurs joué les premiers rôles au long de la crise politico-militaire de 2002: Guillaume Soro, actuel Premier ministre et leader de l’ex-rébellion qui tient le Nord ivoirien, et Charles Blé Goudé, chef des « jeunes patriotes » pro-Gbagbo.
Du quartier de Port-Bouët (sud) à celui de Cocody (nord), les « fescistes » marquent leur territoire et leur préférence dans les cités universitaires d’Abidjan où ils règnent sans partage: le temps de la campagne, les affiches du candidat Gbagbo y sont omniprésentes.
Dans les « cités U », « les supporters d’ADO existent mais ils ont simplement peur de la réaction des +fescistes+ » et préfèrent faire profil bas, explique à l’AFP Alain Dezy Baudelaire, étudiant en géographie.
Dès sa naissance en 1990 avec le multipartisme, la Fesci est engagée dans l’arène politique, contestant au côté de Laurent Gbagbo, alors opposant, le régime du « père de la nation » Félix Houphouët-Boigny.
Lors de la célébration des 20 ans du syndicat en septembre, son secrétaire général Augustin Mian avait sans ambages exhorté les jeunes à voter pour le président Gbagbo, le « candidat des étudiants ».
Mais si ces dernières années la nouvelle direction de la Fesci a voulu faire le ménage dans ses rangs, le mouvement continue de sentir le soufre.
Au fil des ans, il a été l’instigateur de nombreuses manifestations qui ont dégénéré en affrontements avec la police ou entre jeunes sur les campus et dans les lycées, faisant des morts parmi les étudiants.
Il y a eu « beaucoup de dérapages », admet Augustin Mian.
« Le combat a été dévoyé », tranche Martial Ahipeaud, premier patron de l’histoire de la Fesci, fustigeant notamment le goût de « l’argent facile » au sein d’une organisation accusée de racketter les étudiants.
Les agissements du syndicat sont régulièrement dénoncés par les ONG nationales et internationales.
Dans un rapport de 2008, Human Rights Watch (HRW) l’accusait d’avoir été responsable de nombreuses violences « à caractère politique ».
« La Fesci jouit d’une impunité déconcertante et d’une complicité des pouvoirs publics », tonne Patrick N’Gouan, responsable de la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI).
Elle est « devenue comme une espèce de milice qui ne dit pas son nom », assène-t-il, prônant sa dissolution « après les élections afin d’assainir l’école ivoirienne ».
Le président Gbagbo lui-même a donné de la voix. « Abandonnez les combats à la machette, le banditisme, le gangstérisme, la mafia », lançait-il il y a deux ans. Pour le 20e anniversaire du mouvement, il a plaidé encore pour « une Fesci propre ».
« Gbagbo a créé un monstre qu’il ne peut plus dompter », raille un universitaire d’Abidjan.
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