Adieu miel, ancêtres et traditions: un barrage menace les Himbas de Namibie
Les flots dévalent avec fracas la rivière Kunene, frontière entre la Namibie et l’Angola, où les autorités veulent construire un barrage hydroélectrique, au risque d’engloutir les traditions séculaires des Himbas des montagnes de Baynes.
« Baynes, c’est là où notre bétail paît, où l’on trouve notre miel. C’est notre cuisine, s’ils construisent un barrage, cela nous tuera ! », s’emporte Muhapikwa Muniombara qui, comme toutes les femmes de ce peuple semi-nomade, a le corps recouvert d’ocre, de colliers et de bracelets.
Dans les années 90, les autorités avaient décidé de construire un barrage aux Chutes d’Epupa, véritable oasis dans le désert namibien, très populaire auprès des touristes. Mais le projet menaçait d’engloutir les chutes, bordées de palmiers et de baobabs.
Face au tollé général, le gouvernement a revu sa copie et envisage désormais de déplacer le barrage vers Baynes, où il produira 1. 600 à 1. 700 GWh par an s’il est retenu.
Faute de production suffisante, la Namibie doit importer plus de la moitié de son électricité d’Afrique du Sud mais envisage de recourir à l’hydroélectricité, au charbon –voire au nucléaire– pour l’usage courant et pour le secteur minier.
« Le barrage n’affectera pas les chutes d’Epupa. Il est situé dans un ravin très profond, à 40 km en aval des chutes », assure Mike Everett d’Environmental Ressources management (ERM), consultant international chargé des études de faisabilité à Baynes.
La zone est peu peuplée par les Himbas, et « on ne connaîtra le nombre exact de communautés affectées qu’une fois l’évaluation sur l’impact social terminée » début 2011, précise-t-il.
Sans attendre, Muhapikwa dénombre une dizaine de tombes sur le site, auxquelles il faut ajouter toutes celles présentes depuis plus d’un siècle. Les déplacer reviendrait à perdre l’esprit des ancêtres, primordial chez les Himbas.
« Sans les tombes, tout va s’assécher », prédit la jeune femme, 35 ans, qui n’a manqué aucune des réunions publiques organisées pour présenter le projet.
« Ils nous disent que l’on pourra profiter de l’eau du barrage, mais on n’en a pas besoin. Nous avons des cascades pour notre bétail », s’emporte-t-elle dans son village de huttes, sans eau ni électricité, d’Okapare.
Sur les deux millions d’habitants de la Namibie, quelque 18. 000 Himbas vivent de leur bétail au Kaokoland (nord-ouest), et 9. 000 autres du côté angolais, selon l’anthropologue David Crandall.
Originaire des Grands Lacs, ces éleveurs se sont installés dans la région il y a 200 ans et ont survécu aussi bien aux guerres qu’aux sécheresses.
Quelques kilomètres plus loin, à Epupa, les jeunes font partie des rares partisans du barrage, avançant les besoins énergétiques du pays.
« Je suis en faveur du barrage parce que ça va apporter de l’énergie et créer des emplois. Les gens vont à l’école mais n’ont pas de travail après. Ils se retrouvent à garder les chèvres de leurs parents », explique l’instituteur Ratutji Muhenje, fier de posséder à 28 ans son troupeau.
« Le barrage va aussi apporter le développement », renchérit-il, vêtu d’un jean, t-shirt et de lunettes noires, très en vogue chez les jeunes hommes.
Mais le barrage signera la fin des traditions avec l’ouverture de routes et l’arrivée de milliers de travailleurs, craint un des vieux sages d’Okapare Kambo Javara. « Autrefois, on survivait grâce à nos chèvres et nos vaches mais aujourd’hui, les gens veulent plein de choses », s’énerve-t-il.
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