Des imams à la tête de revendications sociales, un fait nouveau au Sénégal

Des imams de la banlieue de Dakar sont à la tête d’un mouvement de revendications sociales contre le coût de l’électricité, les coupures de courant et les inondations, un fait nouveau au Sénégal dénoncé par le pouvoir comme l’action de religieux « membres de l’opposition ».

Des imams à la tête de revendications sociales, un fait nouveau au Sénégal © AFP

Des imams à la tête de revendications sociales, un fait nouveau au Sénégal © AFP

Publié le 2 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.

« Nous avons pris les devants en tant que leaders religieux pour jouer un rôle dans la prise en charge des problèmes des populations. Certains nous prennent pour des opposants », reconnaît l’imam Youssoufa Sarr, porte-parole du Collectif des imams et résidants de Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar.

Ce Collectif, créé en novembre 2008 et dirigé par des imams pour régler au départ les questions liées à l’électricité, s’est ensuite élargi aux inondations, récurrentes au Sénégal à la moindre pluie un peu forte, et à la qualité de l’eau dans la banlieue de la capitale.

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« Notre mouvement n’est pas religieux mais citoyen. C’est un cadre où des chrétiens et des animistes sont représentés. Le prophète Mahomet, notre référence, était éminemment politique. Il gérait la cité-Etat de Médine (Arabie) et dirigeait le culte », affirme M. Sarr, gestionnaire de formation à la retraite.

Les imams ont eu recours à des procédés de mobilisation variés: sermons, porte à porte, réunions publiques, marches. Récemment, ils ont appelé les populations sénégalaises à ne pas payer l’électricité si les coupures, très fréquentes, continuaient.

« C’est une rupture. Ces imams ont pris la direction de mouvements citoyens qui étaient autrefois le fait d’intellectuels », analyse Penda Mbow, historienne à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Au Sénégal, pays à 95% musulman réputé pour sa tolérance religieuse, l’islam est essentiellement confrérique. La quasi totalité des Sénégalais appartiennent à des confréries et vouent un culte à des guides religieux très influents, les marabouts.

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Selon Penda Mbow, « nous sommes dans un phase de déclin et de faillite des cadres traditionnels comme les marabouts ». L’action de ces imams est « une critique de ces cadres maraboutiques qui ne prennent plus la défense des populations ».

« Un imam ne doit pas jouer le rôle de syndicaliste et de politicien. Ce n?est pas possible », rétorque El Hadji Moustapha Guèye, un responsable de l’association des imams et oulémas du Sénégal, une organisation proche du pouvoir.

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En référence aux marches de protestation contre les coupures de courant, El Hadj Moustapha Guèye ajoute: « s?ils (les imams) veulent s?exprimer, ils peuvent le faire à travers leurs sermons. Un imam ne doit pas marcher car, si jamais les policiers lui lancent une grenade lacrymogène, on va accuser ces derniers d?avoir commis un blasphème à l?égard de l?islam ».

Pour le ministre sénégalais des Affaires religieuses, Mamadou Bamba Ndiaye, un responsable du parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), « la plupart de ces gens qui se réclament de l’islam appartiennent à des partis d’opposition ».

« Ce sont des politiques qui adoptent une autre approche pour faire valoir leurs points de vue », affirme-t-il.

Des déclarations de membres du Collectif sur d’autres thèmes ont également été controversées.

En avril 2009, un de ses représentants, l’imam Mamadou Lamine Diop, avait parlé des homosexuels comme « des gens qui méritent d’être mis au ban de la société quitte même » à ce « qu’ils soient tout simplement éliminés de la vie ».

Pour Penda Mbow, « ces imams n’ont pas encore la capacité des prêtres de la libération d’Amérique latine ou le charisme de figures comme (en Iran) l’ayatollah Khomeiny, mais c’est l’amorce d’un changement, quel que soit son impact ».

« Nous jouons un rôle de veille et d’alerte, comme contre-pouvoir, mais nous n’agissons jamais en dehors du cadre légal et réglementaire », affirme l’imam Sarr.

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