La vie agitée d’un soldat gabonais de l’indépendance

Le colonel Pascal Moulopo, ancien d’Indochine, a été le premier militaire à hisser le drapeau gabonais il y a 50 ans pour l’indépendance de 1960. Il a ensuite participé à une rocambolesque tentative de coup d’Etat de 1964, croisant le célèbre Dr Albert Schweitzer.

La vie agitée d’un soldat gabonais de l’indépendance © AFP

La vie agitée d’un soldat gabonais de l’indépendance © AFP

Publié le 17 août 2010 Lecture : 2 minutes.

« Je me suis engagé en 1946 parce que je ne croyais pas que la guerre existait. Je voulais voir ça de mes propres yeux », raconte à l’AFP le colonel Moulopo, 84 ans.

Il est envoyé en Centrafrique puis en Indochine où il découvre les horreurs de la guerre et « les basses besognes: le boulot pour lequel les militaires blancs ne voulaient pas se salir les mains, liquider les Viets et leurs complices capturés ».

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A la fin de chaque interrogatoire, lorsque le prisonnier était convaincu de mensonge, Moulopo « l’achevait à bout portant », peut-on lire dans sa biographie « Nègre. . . jusque dans l’âme », écrit avec l’universitaire Daniel Franck Idiata.

« Les morts. J’y pense encore », dit-il, sans vouloir s’étendre.

Après un séjour à Madagascar, il revient au pays en 1960. Le 17 août, dans le camp militaire Baraka de Libreville, c’est lui qui descend le drapeau français du mât pour hisser le premier drapeau gabonais. « C’était un honneur. ça me faisait plaisir de voir flotter le drapeau sur le pays », se souvient Moulopo.

En 1964, il se retrouve dans une situation complètement différente: des militaires mécontents de leur sort opèrent un coup d’Etat contre le premier président gabonais Léon Mba; l’ancien député français Jean Hilaire Aubame, une figure de la vie politique forme un nouveau gouvernement.

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Arrêté dans son lit dans la nuit du 17 au 18 février, le président Mba est confié à M. Moulopo, alors sergent-chef qui a comme mission, selon lui, de quitter la ville avec le président et de le ramener une fois la situation stabilisée. Il doit normalement se rendre à Ndjolé (est), le fief de M. Aubame.

« Dans la voiture, le président avait l’air triste. Il parlait peu. Je lui ai dit: +Papa, avec moi tu ne risques rien+ », assure M. Moulopo qui quitte Libreville en direction de l’intérieur.

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Sur la route, il rencontre un arbre sur la voie qu’il fait dégager, puis « un porc-épic »: « C’étaient des signes, des miracles (pour m’empêcher d’aller à Ndjolé). Arrivé à Bifoun, il y avait une barrière de pluie pour la route pour Ndjolé. J’ai décidé d’aller à Lambaréné ».

Moulopo installe le président dans un hôtel. Plusieurs personnalités de la ville, dont le docteur Schweitzer, prix Nobel de la Paix 1952 qui a installé un hôpital, demandent sa libération.

« Schweitzer est venu et m’a demandé de prendre (le président) pour l’emmener dans son hôpital. J’ai refusé. Il est reparti aussitôt. Le président était sous ma responsabilité, je ne voulais le remettre qu’à un supérieur hiérarchique ».

Pendant ce temps, le coup échoue à Libreville et des parachutistes français sautent sur la région de Lambarené. Moulopo reprend la route vers Libreville et est arrêté le 20 à Kango par un détachement français.

Il passe quelques semaines à « Ndoumelebame », une sorte de bagne, avec d’autres militaires impliqués dans le coup, « laissés sans eau, nourriture ou lumière ». Puis il est transféré à Libreville où il affirme avoir été tabassé et avoir perdu partiellement l’ouie.

Il est ensuite gracié par le président Mba: « Le président savait que je ne lui voulais pas de mal. Si j’avais voulu le tuer j’aurais pu le faire à de nombreuses reprises ».

Moulopo quitte alors l’armée mais créé en 1996 l’association des Anciens combattants. Il défilera mardi pour le cinquantenaire de l’indépendance. « Je suis fier d’être Gabonais », affirme-t-il, et d’ajouter, même s’il n’a pas officiellement la nationalité: « mais je reste Français ».

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