Côte d’Ivoire: Werewere-Liking, artiste et « éveilleuse d’étoiles »
Dramaturge, chorégraphe, la flamboyante Werewere-Liking se veut d’abord « éveilleuse d’étoiles »: fondatrice il y a 25 ans du Village Kiyi, à Abidjan, l’artiste aux airs de grande prêtresse voue sa vie à découvrir et guider de jeunes talents.
Avec ses parures faites de cauris et de perles, ses longs dread-locks et son éternelle canne sculptée, Werewere-Liking ne passe pas inaperçue.
Née en 1950 à Bondè, au Cameroun, elle est une figure de la vie culturelle de Côte d’Ivoire, où elle a atterri en 1978 pour des recherches sur les pratiques religieuses traditionnelles.
Depuis 1985, la plus fameuse des « reines mères » – nom du duo dont elle est une chanteuse – préside aux destinées du village artistique Kiyi, niché dans un espace verdoyant du quartier chic de Cocody, où élèves et formateurs vivent en communauté.
L’enseignement repose sur le panafricanisme. « Ici, sans considération pour les frontières ethniques ou nationales, nous amenons les différents talents à cohabiter », explique Werewere à l’AFP.
En 25 ans, le Kiyi – « ultime savoir » dans sa langue natale bassa – a formé gratuitement plus de 500 jeunes démunis à la scène, danse, théâtre ou encore musique.
« La plupart sont des piliers aujourd’hui pour leur famille, leur société. Certains ont une carrière internationale extrêmement brillante », dit-elle d’une voix posée où s’entend encore son Afrique centrale natale.
Le pétulant « maître de la parole » Bomou Mamadou et le marionnettiste Ba Drissa Soro, tous deux Ivoiriens, comptent parmi les talents passés par le Kiyi.
Le trophée décroché par l’Ivoirienne Dobet Gnahoré aux Grammy awards en 2010 – les prestigieuses récompenses de la musique aux Etats-Unis – a comblé Werewere, fière du « rayonnement » de son ancienne protégée.
Boni Gnahoré, père de la chanteuse et lui-même transfuge du Kiyi, se souvient: « Dobet est arrivée au Village Kiyi à cinq ans. A force de me voir travailler sur scène, elle a dit +je veux faire comme papa+ et elle le fait bien ».
« Ce qui me plaît dans la formation, c’est l’éclosion des intelligences des jeunes. On les voit arriver désespérés, on s’occupe d’eux et on voit éclore leur génie: il n’y a rien d’aussi agréable », confie l’autodidacte Werewere Liking.
Le Kiyi ne forme pas seulement aux arts de la scène. L’auteure de « La mémoire amputée, chant-roman » y enseigne aussi étude des textes et écriture.
« Elle nous dit toujours: +vous devez pouvoir lire un contrat et l’apprécier avant de signer, comprendre ce qui se passe autour de vous. C’est pourquoi vous devez beaucoup lire+ », explique le jeune chorégraphe Francis Thomas Anéblé.
Une trentaine de jeunes vivent et travaillent au village. La formation dure deux à trois ans.
Certains viennent là pour puiser simplement à l’esprit du groupe. « Werewere a réveillé l’art en moi. Je faisais déjà du théâtre, de la danse, mais elle m’a aidé à croire à ce que je fais », confie le grand chanteur togolais King Mensah.
Pour célébrer ses 25 ans, le Kiyi a fait récemment une tournée dans les quartiers d’Abidjan afin d’aller à la rencontre des milieux défavorisés.
Mais avec la crise politique que traverse la Côte d’Ivoire depuis le putsch manqué de 2002, le public s’est fait plus rare au « village ».
« J’attends une relance, dit la maîtresse des lieux. On espère que tout va reprendre comme avant et que les gens vont recommencer à venir ici ».
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