Angola: le transfert d’un marché géant hors de Luanda, fait grincer des dents

Peur, colère et résignation se partagent les ruelles en terre de Roque Santeiro, l’un des plus grands marchés à ciel ouvert d’Afrique que les autorités angolaises veulent transférer à 20 kilomètres de Luanda au grand dam de ses marchands.

Angola: le transfert d’un marché géant hors de Luanda, fait grincer des dents © AFP

Angola: le transfert d’un marché géant hors de Luanda, fait grincer des dents © AFP

Publié le 4 juin 2010 Lecture : 2 minutes.

Quelque 8. 000 commerçants accrédités et des dizaines de milliers de vendeurs à la sauvette se retrouvent chaque jour dans cet immense capharnaüm, au sujet duquel l’écrivain angolais Pepetela a écrit: « si ça n?existe pas à Roque Santeiro, c?est que ça n?a pas encore été inventé. « 

Face au port de Luanda, où arrivent quasiment tous les produits vendus en Angola, ils proposent des légumes, du poisson, des pièces détachées de voiture, des matelas ou des vêtements de seconde main.

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Le marché, qui porte le nom d?un feuilleton brésilien populaire, s?est installé dans les années 80 sur un immense terrain vague en plein coeur de Sambizanga, un quartier pauvre réputé pour sa violence.

Près d’un million d’habitants vivent dans ce bidonville qui, comme tant d’autres, est né de l’afflux de réfugiés à Luanda pendant la guerre civile (1975-2002).

« Pendant la guerre, ce marché était une vraie planche de salut pour les Angolais », rappelle Garcia José Francisco, un habitant de longue date de Sambizanga. « Si la plupart d?entre nous sommes vivants aujourd?hui, c?est surtout grâce au Roque Santeiro. « 

Mais les autorités considèrent maintenant le quartier insalubre et le marché dangereux. Dans le cadre d’un grand projet de rénovation urbaine, lancé en 2006, elles prévoient de le déplacer à Panguila, à 20 kilomètres au nord de Luanda.

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« La ville grandit, la demande d?habitations s?accroît, il faut qu?on en finisse avec ces habitations précaires », explique José Tavarès, administrateur de la municipalité.

Si le marché doit être transféré, c?est parce que « les conditions dans lesquelles les produits alimentaires sont conservés et vendus ne sont pas bonnes pour la santé publique », assure-t-il. « Le Roque est également le terrain de nombreux crimes organisés, d?attaques à main armée, de trafics de drogue. « 

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Sur le nouveau site, « toutes les conditions d?hygiène et de sécurité sont réunies », garantit le responsable. Les vendeurs auront accès à l?eau courante, à l?électricité et pourront déposer leur argent dans des banques à proximité.

« Panguila offre de bonnes conditions pour les vendeurs », reconnaît Agosto Kapete qui vend des livres à Roque Santeiro depuis huit ans. « Mais est-ce que les clients vont venir du centre de Luanda ? » s’interroge-t-il.

En attendant la construction d?une nouvelle route, il faut jusqu?à deux heures pour rejoindre le nouveau marché. Un trajet qui coûte 1. 000 kwanzas (10 euros) aller-retour en taxi collectif. Une petite fortune en Angola.

« Ici, au Roque, il y a toute ma vie. Mon mari vend des vêtements, moi, des pagnes. Nos enfants vont à l?école » du quartier, explique Inès Kape, 37 ans, sans cacher son anxiété.

« Panguila, c?est bien pour ceux qui vivent déjà là-bas. Combien on va payer de taxi collectif? Ils se moquent de nous ! Ils ne peuvent pas nous faire partir. « 

Malgré la résistance des vendeurs, M. Francisco prévoit que ses voisins finiront par céder mais le transfert du marché ne réglera pas les problèmes du quartier: « Au contraire, la délinquance va augmenter, et les gens vont se remettre à vendre dans la rue n?importe où ».

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