L’Egypte proroge sa loi sur l’état d’urgence, malgré les critiques
L’Egypte a prorogé mardi pour deux ans l’état d’urgence en invoquant la lutte contre le terrorisme et la drogue, malgré les critiques accusant cette loi en vigueur depuis près de 30 ans de porter atteinte aux libertés et aux droits de l’Homme.
Le Parlement, dominé par le Parti national démocratique (PND) du président Hosni Moubarak, a reconduit ce dispositif comme demandé par le gouvernement par 308 voix pour, a indiqué l’agence officielle Mena.
Selon une source parlementaire, 103 députés ont voté contre. Le Parlement égyptien compte 454 membres.
Le Premier ministre Ahmed Nazif a assuré que le gouvernement s’engageait « à ne pas utiliser les mesures d’exception disponibles pour autre chose que la lutte contre les menaces du terrorisme et de la drogue », cherchant à calmer les inquiétudes sur son usage à des fins politiques.
L’état d’urgence a été décrété après l’assassinat du président Anouar al-Sadate en 1981 par des islamistes, et reconduit sans discontinuer.
Sa prorogation jusqu’au 31 mai 2012 survient alors que le pays aborde une période électorale chargée, avec un renouvellement partiel de la chambre haute (Choura) en juin, des législatives à l’automne et une présidentielle en 2011.
Des manifestants ont protesté devant le Parlement, arborant des pancartes montrant un squelette symbolisant le peuple égyptien avec une corde -la loi d’urgence- autour du cou.
D’autres portaient des pancartes sur lesquelles était écrit: « Moubarak dit que nous sommes un pays stable mais le PND dit que nous sommes en état d’urgence ».
Cette législation qui donne des pouvoirs élargis à la police en matière d’arrestation et de détention, et permet le renvoi devant des tribunaux d’exception, est régulièrement critiquée par les défenseurs des droits de l’Homme, l’opposition égyptienne et des capitales occidentales.
« Le pouvoir a affirmé à maintes reprises qu’il allait limiter la loi sur l’état d’urgence aux stupéfiants et au terrorisme. Ce n’est pas une position nouvelle », a déclaré mardi à l’AFP Heba Morayef, une responsable de l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW) en Egypte.
« Le bilan du gouvernement n’incite pas à l’optimisme quant à un changement d’attitude. Mais c’est un signe qu’il se sent sous pression », a-t-elle ajouté.
Pour Georges Ishak, un proche de Mohamed ElBaradei, ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) favorable à des réformes démocratiques en Egypte, « il s’agit d’un simple nouvel habillage pour l’état d’urgence », qui « va être utilisé contre les opposants politiques » sous couvert d’accusations de terrorisme.
En 2008, les Etats-Unis s’étaient déclarés « déçus » par son renouvellement. En février dernier, le maintien de cette législation avait été critiqué au sein du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
Le ministre chargé des Affaires juridiques, Moufid Chéhab, a en revanche insisté sur le fait que cette prorogation n’était pas liée au calendrier électoral, et n’avait pas d’objectif politique. « La loi d’urgence ne s’applique en aucun cas aux élections », a-t-il assuré.
Il a ajouté que le texte excluait désormais l’usage des dispositions de l’état d’urgence pour la surveillance des moyens de communication, la censure et la fermeture des médias, ou pour confisquer des biens ou ordonner des évacuations.
M. Chéhab a renouvelé l’engagement du gouvernement de mettre fin à l’état d’urgence dès qu’une loi antiterroriste spécifique serait adoptée, reconnaissant qu’un tel texte n’était pas encore prêt.
L’état d’urgence a coïncidé avec l’accession au pouvoir de M. Moubarak, successeur de Sadate. M. Moubarak, qui a subi en mars une ablation de la vésicule biliaire, n’a toujours pas fait savoir s’il se présenterait pour un nouveau mandat l’an prochain.
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