Après le massacre des porcs, les éboueurs du Caire tentent de s’adapter
Ils continuent de vivre parmi les détritus ramassés depuis des générations, mais depuis un an, les « zabbaline » (éboueurs, chiffonniers) du Caire doivent s’adapter: les milliers de porcs qui les aidaient en mangeant une partie des déchets ont disparu.
« Les zabbaline nourrissaient les cochons avec les détritus comestibles qui ne leur coûtaient rien. En retour, la viande des animaux leur apportait un revenu complémentaire », relève Meqaddes Chahata, un représentant de la profession.
« Le massacre des cochons a réduit leurs revenus de moitié », estime-t-il.
La mise à mort des quelque 250. 000 porcs du pays, décidée par les autorités fin avril 2009 et appliquée dans les mois suivants, avait d’abord été présentée comme une réponse à la menace de pandémie de grippe H1N1, dite « porcine ». Mais aucun autre pays n’a imité l’Egypte avec cette mesure, jugée inefficace pour lutter contre la grippe par les autorités sanitaires mondiales.
Le gouvernement égyptien avait ensuite assuré qu’il s’agissait d’éradiquer des élevages insalubres.
L’opération a principalement affecté la minorité copte (chrétienne), seule à élever ces animaux considérés comme impurs par la majorité musulmane de la population.
« On nous a stigmatisés et marginalisés. C’est une honte », affirme Ezzat Naïm, qui dirige une association de services sociaux. Selon lui, les zabbaline, qui ont vainement tenté de s’opposer au massacre, devraient aujourd’hui s’organiser avec des licences professionnelles et des syndicats.
Les rares cochons survivants du quartier déshérité de Manchiyet Nasr sont désormais soigneusement cachés. Des buffles et des chèvres ont remplacé le cheptel porcin, mais sont incapables d’engloutir les mêmes quantités de déchets.
Dans les ruelles transformées en décharges, des femmes assises sur des tas d’immondices trient les végétaux et les déchets alimentaires du plastique et du verre.
La disparition des cochons oblige en effet à un tri encore plus attentif qu’autrefois: les détritus solides sont recyclés par les zabbaline, tandis que les produits organiques sont laissés sur place ou expédiés dans des dépotoirs hors du Caire.
« Cela marche bien pour les déchets solides qui peuvent être recyclés, mais cela ne résout pas le problèmes des déchets alimentaires qui étaient autrefois mangés par les cochons », explique Ismaïl Achraf, un « zabbal » du quartier.
« Des tonnes et des tonnes de déchets organiques continuent de s’empiler au Caire, c’est effrayant. Le problème c’est que personne n’a de vision scientifique pour traiter cela », ajoute Youssef Sidhom, directeur du journal de la communauté chrétienne Watani.
En raison de la baisse des revenus, les enfants, plutôt que d’aller en classe, sont encore plus qu’avant mis à contribution pour la collecte des déchets, soulignent des enseignants.
« Je ne veux pas travailler comme ramasseur d’ordures. Mais je le ferai, s’il n’y a que cela », affirme Mina, un adolescent de 14 ans.
Le recours à des entreprises européennes de collecte industrielle des déchets ménagers, qui se développe depuis plusieurs années au Caire, représente aussi un défi pour les zabbaline, qui font valoir leur meilleure connaissance du métier.
Jamais en grève, les zabbaline savent qu’il faut aller chercher les sacs-poubelles devant les portes, dans un pays où l’usage des conteneurs collectifs peine à entrer dans les moeurs.
« Les compagnies étrangères ont pour elles le prestige, les uniformes de travail. Mais elles n’ont pas l’expérience égyptienne », assure Meqaddes Chahata.
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