Tchad: Boko Haram pèse sur la vie à N’Djamena
« Les Boko Haram sont juste là, de l’autre côté », explique Dounama Boukar en montrant l’autre rive du Chari, le fleuve qui marque la frontière entre N’Djamena et l’extrême nord du Cameroun où sévissent les islamistes armés nigérians.
Jusqu’à présent le Tchad, en première ligne dans la lutte contre les groupes jihadistes en Afrique, a été épargné par les attaques de Boko Haram, installé à ses portes. N’Djamena ne se trouve qu’à une cinquantaine de kilomètres de l’Etat nigérian de Borno, fief des islamistes.
Mardi, des membres présumés du groupe Boko Haram ont pénétré dans une cimenterie du groupe français Lafarge du nord-est du Nigeria. Mercredi, le PDG du groupe a indiqué que « tout était retourné à la normale » dans cette cimenterie.
Pour bloquer toute infiltration, les autorités tchadiennes ont interdit toute navigation sur le Chari et son affluent le Logone ainsi que sur le lac Tchad (divisé entre le Tchad, le Cameroun, le Nigeria et le Niger). Des patrouilleurs fluviaux et lacustres surveillent le respect de l’interdiction. Et effectivement, le Chari, auparavant sillonné de pirogues passant d’un pays à l’autre, est désormais désert.
– Fouilles de véhicules –
Même au poste-frontière -un pont sur le Logone- entre N’Djamena et la ville camerounaise de Kousseri, l’activité a baissé.
« Il y a beaucoup moins de monde », raconte à l’AFP Dounama qui, avec ses collègues chauffeurs de taxi, attend un client sous un soleil accablant.
Omniprésents, les services de sécurité fouillent régulièrement les véhicules, à la recherche d’armes de contrebande destinées aux combattants de Boko Haram.
Ces restrictions aux frontières -la situation est identique à la frontière Cameroun-Nigeria- pèsent sur l’économie de N’Djamena.
Beaucoup de produits manufacturés (téléphonie, pièces détachées pour automobiles,. . . ) viennent des pays voisins et l’exportation de bétail et de viande vers le Nigeria est une ressource précieuse pour le Tchad. L’essentiel du commerce tchado-nigérian transite par la ville de Gambaru (Nigeria), zone périlleuse où les attaques de Boko Haram sont fréquentes et affectent les flux commerciaux.
Résultat, « les prix des denrées ont flambé », constate Moussa Oumar qui possède plusieurs boutiques de pièces détachées à N’Djamena.
« Les pièces de rechange que je vends, je les commande toujours au Nigeria », explique le commerçant. « Depuis que la frontière Cameroun-Nigeria est fermée, mes boutiques ne sont plus alimentées ».
« Là-même, je me suis ravitaillé un peu chez un ami qui en a fait un stock à Kousseri, mais plus au même prix. C?est ce qui m?a amené à augmenter les prix des pièces de rechange. Les acheteurs s?en plaignent, mais je n?ai pas le choix », déplore-t-il.
– Facteur de déstabilisation –
Les raids des combattants de Boko Haram dans la région camerounaise de l’Extrême-nord perturbent en outre le trafic routier. Or, pour le Tchad, pays enclavé, le débouché maritime est le port camerounais de Douala. Et l’axe Doula-Kousseri est vital pour l’économie tchadienne.
Boko Haram est « un élément déstabilisateur » pour le Tchad du fait des risques qu’il fait peser sur son économie enclavée, explique-t-on de source militaire française à N’Djamena, où est installé l’état-major de l’opération Barkhane, lancée en septembre.
Cette opération de lutte contre les groupes armés jihadistes dans la bande sahélo-saharienne réunit cinq pays de la région (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie) autour de la France, ancienne puissance coloniale.
Parallèlement, Nigeria, Niger, Tchad et Cameroun ont décidé de créer une force régionale « dédiée au combat contre Boko Haram », selon l’expression du président nigérien Mahamadou Issoufou.
Cette force devrait être opérationnelle d’ici la fin novembre.
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