Sénégal: HRW dénonce « le système d’exploitation » des enfants mendiants

L’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW) a dénoncé jeudi à Dakar la situation au Sénégal de « dizaines de milliers d?enfants astreints à la mendicité », trop souvent « exploités et maltraités, soi-disant au nom de la religion ».

Sénégal: HRW dénonce « le système d’exploitation » des enfants mendiants © AFP

Sénégal: HRW dénonce « le système d’exploitation » des enfants mendiants © AFP

Publié le 15 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

« Le gouvernement sénégalais ne devrait pas rester les bras croisés pendant que des dizaines de milliers d?enfants talibés (élèves des écoles coraniques, ndlr) sont soumis chaque jour à des violences physiques, une négligence totale et, en fait, à des conditions s?apparentant à de l?esclavage », a affirmé la directrice de la division Afrique à HRW, Georgette Gagnon.

Dans son rapport, l’organisation décrit ce qu’elle appelle un « système d?exploitation et de maltraitance » de jeunes garçons « dont la vaste majorité ont moins de 12 ans et beaucoup n?ont pas plus de quatre ans ».

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« Transférés de leurs villages du Sénégal et de Guinée-Bissau vers des villes sénégalaises, les talibés sont forcés de mendier parfois jusqu?à dix heures par jour », écrit HRW. Souvent pieds nus, affamés, « ils tendent une sébile en plastique ou une canette vide dans l?espoir de recevoir une aumône ».

« Chaque jour je devais rapporter au marabout 600 CFA (0,9 euro ou 1,2 dollar), du riz et du sucre. Chaque fois que je ne pouvais pas, le marabout me frappait à coups de câble électrique », témoigne un garçon de 11 ans que ses parents avaient confié à 7 ans un « marabout » de Dakar.

L’organisation soutient que « dans plus de 100 daaras (écoles coraniques) dont HRW a interrogé des talibés actuels ou passés, le marabout recueille en général de 20. 000 à 60. 000 dollars US (14. 600 à 43. 800 euros) par an grâce à la mendicité des garçons ».

L’ONG souligne que, dans le pays, « nombre de marabouts remplissent consciencieusement la tradition importante de fournir aux jeunes garçons une éducation religieuse et morale ». Et un marabout de Kolda, Aliou Seydi, rappelle d’ailleurs que « les enseignements de l?islam s?opposent entièrement au fait d?envoyer des enfants dans la rue et de les forcer à mendier ».

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Mais HRW constate amèrement que beaucoup de marabouts « dénaturent l?éducation religieuse, la transformant en exploitation économique » des enfants qu’ils laissent vivre dans le plus grand dénuement.

Il est ainsi « courant que les enfants dorment à 30 dans une petite pièce » de la daara, souvent une construction inachevée, relève-t-elle.

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Le Sénégal a « érigé en crime le fait de forcer autrui à mendier en vue d?en tirer profit, mais cette loi n?a débouché que sur peu de mesures concrètes », constate HRW, qui juge que « les autorités sénégalaises ont choisi d?éviter de défier les puissants dirigeants religieux du pays, y compris les marabouts individuels ».

Le gouvernement sénégalais a toutefois lancé « une initiative visant à créer 100 daaras modernes entre 2010 et 2012 et à les soumettre à une réglementation », mais ce plan « aura peu d?impact sur les dizaines de milliers de talibés qui vivent déjà dans des daaras qui les exploitent » selon HRW.

L’ONG demande instamment au gouvernement de « réglementer les écoles coraniques », traduire en justice les « marabouts qui violent les lois » et de faire en sorte que « tous les daaras soient agréés et fassent l?objet d?inspections périodiques par des agents de l?État ».

Rappelant qu’un grand nombre de petits mendiants « viennent de la Guinée-Bissau », HRW interpelle aussi le « gouvernement bissau-guinéen » qui « doit encore criminaliser officiellement la traite des enfants ».

Le rapport devait être disponible jeudi à l?adresse internet http://www. hrw. org/node/89564

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