Gabon: le dernier livre du journaliste français Pierre Péan fait polémique
Déjà controversé, « Nouvelles affaires africaines », le dernier livre du journaliste français Pierre Péan, relance un vif débat sur la corruption et le maintien au pouvoir de la famille Bongo au Gabon.
Le pouvoir gabonais a immédiatement balayé les affirmations de Pierre Péan, parlant de « rumeurs ». L’enquête – sous-titrée « Mensonges et pillages au Gabon » – revient sur la fin de règne du défunt président Omar Bongo et les modalités de l’accession au pouvoir de son fils Ali à sa mort en 2009.
Le journaliste accuse notamment l’actuel chef de l’Etat d’avoir falsifié de nombreux documents, de son acte de naissance à ses diplômes.
Le baccalauréat qu’Ali Bongo Ondimba a obtenu en France serait ainsi le fruit d’un arrangement entre Omar Bongo et le président français de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing. Le doctorat en droit mentionné dans son CV? Une thèse en géographie, selon le journaliste.
Surtout, contrairement à la version officielle qui le présente comme le fils naturel de son père, Ali Bongo serait un enfant nigérian adopté pendant la guerre du Biafra à la fin des années 1960.
L’un des principaux partis d’opposition, l’Union nationale (UN), a aussitôt interpellé le pouvoir, évoquant des « révélations d’une extrême gravité ».
Pour son secrétaire général adjoint Paul Marie Gondjout, Ali Bongo « devra s’expliquer sur ses origines et sur le faux acte de naissance » produit à la veille de la présidentielle de 2009.
« Cela pose une fois pour toutes la question de (. . . ) son éligibilité à la présidence de la République », a-t-il ajouté.
L’opposition brandit régulièrement cet argument, car la Constitution interdit à toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise après la naissance de se présenter à la magistrature suprême. Pour Pierre Péan, c’est Omar Bongo qui avait introduit cette clause afin d’écarter toute candidature de son fils.
– ‘Ecrit par un Blanc’ –
Si le journaliste a déjà révélé quelques grandes affaires (le passé de François Mitterrand pendant la Seconde guerre mondiale, ses livres, parfois très controversés, lui ont valu de nombreux procès, notamment lorsqu’il a contredit l’histoire officielle du génocide rwandais.
« On ne va pas commenter les +kongossa+ (rumeurs) parce que c’est écrit par un Blanc », a asséné mercredi le porte-parole de la présidence, Alain-Claude Billie By Nzé, alors que le livre sortait en France.
« Il y a des journaux gabonais qui paraissent tous les jours et qui disent exactement la même chose, donc franchement ce n’est pas parce que c’est écrit aujourd’hui par Péan que ça changera quoi que ce soit à l’idée que les Gabonais ont de leur pays et de leur chef de l’Etat! », a-t-il estimé devant des journalistes.
Raphaël Ntoutoume Nkoghe, un conseiller en communication du président, a qualifié le journaliste français d’ »écrivain qui rédige sous la dictée ou sur commande », sur le site d’informations Gabon Review.
Il affirme qu’en 2008, Omar Bongo avait accordé une audience à Pierre Péan dans le cadre de la préparation de son livre « Argent noir ».
« M. Péan est venu lui faire la proposition de sortir un livre qui devra prendre la défense des chefs d’Etat impliqués dans la procédure judiciaire des bien mal acquis » –ouverte en France à l’encontre des familles dirigeantes du Congo Brazzaville, du Gabon et de la Guinée équatoriale, accusées d’enrichissement illicite– raconte ce conseiller, avant d’ajouter: « M. Péan a présenté une note de 1,2 milliard de francs CFA (1,8 million d’euros) à chacun des chefs d’Etat. «
Alors que le journal gouvernemental l’Union avait déjà qualifié lundi le livre de « torchon », avant même sa sortie, le débat n’est pas moins virulent sur les réseaux sociaux.
« Faux secrets, détails mis bout à bout arbitrairement et jugements tranchés qui ne sont jamais confrontés à la réalité! », s’insurge un internaute.
D’autres, au contraire, se prennent en photo l’ouvrage à la main, pour convaincre leurs compatriotes de l’acheter. « Cherchez par tous les moyens possibles à lire ce livre! », conseille l’un d’eux.
Interrogée pour savoir si le livre serait autorisé au Gabon, la présidence a affirmé que l’Etat n’avait « pas vocation à interdire la diffusion de quoi que ce soit ».
Mais dans une grande librairie de Libreville, on indique qu’il ne sera pas mis en vente, même si de nombreuses personnes viennent déjà le réclamer.
En 1983, dans « Affaires africaines », Pierre Péan s’était déjà intéressé à la « Françafrique » au Gabon, revenant sur les collusions d’intérêts entre Paris et le petit émirat pétrolier. Ce livre n’était pas sorti au Gabon.
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