Le Sénégal consomme toujours plus de lait en poudre importé

Bien qu’il ait trois millions de bovins, le Sénégal est en train d’oublier le goût du lait de ses propres vaches: la poudre de lait importée s’est imposée progressivement au petit-déjeuner et sert de matière première à quasiment toute l’industrie nationale du yaourt.

Le Sénégal consomme toujours plus de lait en poudre importé © AFP

Le Sénégal consomme toujours plus de lait en poudre importé © AFP

Publié le 10 février 2010 Lecture : 2 minutes.

Au moment où le nouveau président de l’Union Africaine, le Malawite Bingu wa Mutharika, juge prioritaire que « l’Afrique puisse nourrir l’Afrique », le cas du lait importé reste un exemple flagrant de dépendance alimentaire.

En cinq ans, le Sénégal a plus que doublé sa facture de lait acheté à l’étranger, de 25 milliards de francs CFA (38 millions d’euros) en 2002 à 58 milliards (88 MEUR) en 2007, relève un chercheur de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), Djiby Dia.

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Ainsi, dans l’usine Jaboot, en banlieue de Dakar, c’est de la « poudre laitière avec matière grasse végétale » produite en France qui est versée dans de grandes cuves, puis mélangée à de l’eau filtrée. De quoi fabriquer tous les produits Jaboot, du lait caillé jusqu’au traditionnel « thiakri », mélange de yaourt et de céréales locales.

Cette société affiche son ambition de « substituer progressivement le lait en poudre importé par du lait frais local ». Mais, au fur et à mesure de son expansion, elle importe toujours plus.

« Si cette situation perdure, c’est parce que les plus grands problèmes restent la collecte et l’acheminement du lait frais », plaide son directeur, Pierre Ndiaye, interrogé par l’AFP.

Du lait, il y en a pourtant dans ce pays rural. Mais sa production, essentiellement traditionnelle et très irrégulière en fonction des saisons, ne peut encore couvrir tous les besoins de la population. Et il a toutes les difficultés à parvenir jusqu’aux consommateurs, les pistes agricoles étant parfois impraticables et le nombre de véhicules réfrigérés insuffisant.

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Dans les zones enclavées du Ferlo (nord), « faute de débouchés, en saison des pluies, c’est par terre que certains éleveurs peuls versent leur lait, pour qu’il soit léché par leurs vaches », dit M. Dia, auteur d’une thèse sur la « géographie du lait au Sénégal ».

Toute la filière doit encore être organisée, professionnalisée, encouragée.

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Mais la poudre importée a déjà envahi les marchés dans les villes comme en brousse.

Dans le village de Niakhar (près de Fatick, à 155 km au sud-est de Dakar), le technicien d’élevage Mamadou Niassy confie que sa propre famille consomme chaque jour du lait en poudre. « Je préfère le lait cru mais il n’est pas disponible bien que j’habite à quelques kilomètres d’un éleveur », dit cet homme de 55 ans.

Pour les professionnels du secteur, le Sénégal doit miser sur le développement des mini-laiteries, en plein essor: de petits ateliers ruraux qui produisent essentiellement du lait fermenté, conditionné en sachets thermosoudés.

Par ailleurs, un débat fait rage sur le thème « faut-il laisser entrer toute cette poudre de lait sans imposer des droits de douane élevés? ». Mais les plus gros importateurs n’y ont pas intérêt et constituent un lobby influent à Dakar.

Bagoré Bathily, PDG de la Laiterie du Berger – première unité industrielle de collecte et de transformation du lait local – réclame en tout cas des « incitations fiscales » pour ceux qui utilisent prioritairement le lait du pays.

Djiby Dia abonde dans son sens: « L’Etat, en période de crise alimentaire, en 2008, a suspendu ses droits de douane et la TVA sur le lait importé. Il devrait maintenant subventionner le lait local, pour assurer des débouchés à ses petits producteurs ».

« Les industriels cherchent volontiers à faire croire qu’ils vont intégrer le lait local dans leur processus, parce que c’est à la mode, dit-il. Mais ils ne le feront que lorsque son prix aura beaucoup baissé ».

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