Ebola: les radios en langues locales pour toucher les populations avant le virus

Radio collée à l’oreille, Wesley Wudea intime le silence à ses petits-enfants. Dans les pays ravagés par Ebola comme le Liberia, la voie des ondes est le meilleur moyen d’atteindre les populations de régions reculées, dont beaucoup ne parlent que leur dialecte.

Ebola: les radios en langues locales pour toucher les populations avant le virus © AFP

Ebola: les radios en langues locales pour toucher les populations avant le virus © AFP

Publié le 27 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

« Nous ne comprenons pas les mots anglais qu’ils utilisent à la radio. Il y a même des gens qui ne comprennent pas un traître mot d’anglais », explique cet enseignant retraité de 61 ans de Saint John, un village situé à une vingtaine de km du port de Buchanan, au sud-est de la capitale Monrovia.

« Sans le programme en langue dialectale, nous n’aurions jamais appris les précautions à prendre pour être à l’abri d’Ebola », affirme ce grand-père qui parle bassa, comme la majorité de la population de la région.

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Wesley Wudea ne rate jamais le programme d’information en bassa sur la radio Gbehzohn: à l’heure de diffusion, il a toujours a le poste près de lui.

C’est ainsi, indique-t-il, qu’il a pris l’habitude de demander à ses enfants et petits-enfants de se laver fréquemment les mains. Ils obtempèrent sans rechigner.

Selon lui, grâce à ces programmes, tous les villageois sont désormais sensibilisés aux mesures de prévention contre Ebola et à la nécessité de ne pas toucher les malades ou les morts. A tel point que certaines pratiques sociales comme se serrer la main ou toucher le défunt lors des funérailles auraient disparu.

La radio Gbehzohn, installée au c?ur de Buchanan, a doublé son temps d’antenne en langue locale depuis l’épidémie, explique à l’AFP son directeur des programmes, Isaac Siegal, dans son bureau aux murs parsemés d’affiches sur Ebola, où l’on n’entre qu’après s’être lavé les mains à l’eau chlorée sous le regard inquisiteur d’un vigile.

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« Avant, il n’y avait que 15 minutes trois fois par jour » en bassa. « Aujourd’hui, on est passé à trois fois 30 minutes par jour », précise-t-il. « Nous recevons des messages des populations rurales pour nous remercier de les informer dans la langue qu’elles comprennent ».

– Eradiquer les rumeurs –

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Lors d’une distribution de matériel d’hygiène et de tracts à des radios locales dans la province voisine de Margibi, un haut responsable du ministère de l’Information, Patrick Worzie, a qualifié leur mission de « cardinale » pour faire passer le message sur Ebola dans les zones rurales.

Au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, les plus touchés par l’épidémie qui a déjà fait près de 5. 000 morts, mais aussi dans les pays voisins, les langues locales sont devenues incontournables.

Spots publicitaires, programmes d’information, émissions interactives sont diffusés sur les radios et télévisions dans diverses langues locales. Les antennes sont ouvertes à des dignitaires religieux ou à des notables, importants leaders d’opinion.

En septembre, Human Rights Watch (HRW) a salué le « rôle clé » joué dans l’éducation en matière de santé publique au Liberia par des mouvements associatifs et les médias locaux, qui ont produit des spots de sensibilisation en langues locales diffusés sur 44 radios communautaires.

A Kailahun, dans l’est de la Sierra Leone, épicentre de l’épidémie dans ce pays, une radio communautaire, Radio MOA, a lancé une campagne pour tordre le cou aux rumeurs qui minent la lutte contre le virus, touchant des dizaines de milliers d’auditeurs de part et d’autre des frontières avec le Liberia et la Guinée, s’est félicitée l’ONG.

Mais cette mission vitale de sensibilisation peut s’avérer dangereuse, et même mortelle.

En Guinée, huit membres d’une équipe de campagne, dont trois employés de radios, ont été tués en septembre à Womey, dans le sud du pays, par des habitants niant la réalité d’Ebola et criant à un complot des Blancs.

Et cette bataille des ondes ne se limite pas aux pays frappés de plein fouet.

Canal France International (CFI, agence française de coopération médias) a lancé la semaine dernière un projet pour « préparer 48 radios de proximité d’Afrique de l’Ouest à la prévention ». Objectif: « améliorer l’acceptation de l’information et des messages de prévention par des populations souvent méfiantes » et « contribuer à un changement de comportement de leur part ».

Le projet, « Des radios contre Ebola », vise six pays: quatre n’ont enregistré aucun cas confirmé (Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo et Bénin), le Sénégal a été déclaré officiellement débarrassé d’Ebola et le Mali est le dernier pays en date atteint par le virus.

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