En Afrique du Sud, on fume du vautour pour deviner les numéros du loto

Rien de tel qu’un bout de cerveau de vautour à fumer pour deviner les numéros du loto. Les clients de Scelo, vendeur de médecine traditionnelle à Johannesburg, en sont convaincus même s’ils signent ainsi l’arrêt de mort de la plupart de ces rapaces en Afrique du Sud.

Publié le 29 décembre 2009 Lecture : 2 minutes.

« Les vautours sont rares. J’en ai seulement un tous les trois ou quatre mois. Tout le monde demande le cerveau qui permet de voir des choses que les autres ne voient pas. Pour le loto, on rêve les chiffres », explique Scelo, jeune vendeur-guérisseur au marché de muti (médecine traditionnelle).

Roulé dans une cigarette ou inhalé grâce aux vapeurs, il permettrait de gagner à d’autres jeux d’argent comme les courses hippiques, rendre plus performant pour les examens scolaires, développer « son business » en ayant plus de clients.

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Devant son étal de graisse d’âne pour chasser les mauvais esprits, de peaux de zèbres et de pattes d’autruches, Scelo vend environ 50 rands (6,5 dollars, 4,5 euros) une minuscule bouteille contenant un morceau de cerveau pilé.

L’oiseau entier peut coûter jusqu’à 2. 000 rands. Os ou plumes se retrouvent mélangés avec des herbes pour en faire des « médicaments », souligne sans donner son nom un nyanga (médecin traditionnel) qui prescrit surtout de la tête de vautour.

Selon lui, ces rapaces permettent de prédire l’avenir en raison de leur excellente vue et cette croyance se retrouve dans d’autres pays africains comme le Mozambique, le Kenya et la Tanzanie.

Mthembeni, qui broie cerveau et bec, en achète seulement pour ses chiens. « Je le mets dans leur truffe. Après, ils sont capables de détecter une présence étrangère à des kilomètres à la ronde. C’est pour la sécurité de ma famille », souligne le jeune Zoulou.

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Au moins 160 vautours sont vendus chaque année pour le muti, selon une étude réalisée par deux organisations de protection de la nature. Un des auteurs, Steve McKean, estime que ce nombre peut s’élever jusqu’à 300, en particulier dans la province du Kwazulu-Natal (est) où le braconnage reste peu réprimé.

« L’utilisation des vautours en médecine traditionnelle, au niveau actuel, va probablement provoquer leur extinction dans 20 à 30 ans en Afrique australe », prédit M. McKean qui préconise des campagnes de prévention, une meilleure application de la loi et une plus large compréhension du commerce de ces rapaces.

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Sept espèces sur neuf, dont le gypaète barbu et le vautour du Cap, sont actuellement en danger. Les chasseurs les tuent par balle, avec des pièges ou des poisons. Ils utilisent principalement de l’Aldicarb, un pesticide mortel même pour l’Homme, prévient Steve McKean de l’organisme Ezemvelo Kwazulu-Natal Wildlife.

A ces dangers s’ajoutent d’autres menaces pour les oiseaux comme l’électrocution sur des lignes à haute tension, les noyades dans les réservoirs d’eau des fermes, le manque de nourriture et la perte de leur habitat.

Aujourd’hui, la baisse de l’offre n’entame en rien la demande qui reste constante avec l’urbanisation et la montée du chômage dans ce pays où 43% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Au marché, parmi les peaux de python ou de crocodile, deux espèces également menacées par le muti, Samson Mvubu réfléchit sur l’importance des vautours. « Je ne crois pas que ce truc vous donne des visions », finit par lâcher le nyanga, avant de trancher: « de la chance oui, mais pas de visions ».

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