Maroc: les fossiles d’Erfoud, un trésor préhistorique en danger
Au c?ur d’une des principales palmeraies du Maroc, les habitants d’Erfoud veillent sur un trésor en danger: celui des fossiles marins, parfois vieux de plusieurs centaines de millions d’années et qui continuent « de faire vivre 70% des habitants », affirme Abdelmajid Messoudi, un vendeur.
Dans cette région enclavée du sud-est du royaume, tandis que les palmiers-dattiers défilent inlassablement, le regard du visiteur est soudainement surpris par la présence du squelette d’un animal préhistorique, à l’entrée d’une bâtisse à l’architecture traditionnelle.
Cette ammonite géante est l’un des trésors qui font de la région d’Erfoud, ville de quelque 30. 000 habitants, « le plus grand musée de fossiles à ciel ouvert au monde », selon des géologues et archéologues.
Durant l’ère primaire (environ 500 millions d’années avant JC), le sud-est du Maroc « était recouvert par la mer », avant de devenir cet oasis de pièces fossilisées, déclare à l’AFP Abdelmajid Messoudi, qui accueille les visiteurs avec un large sourire.
Aujourd’hui encore, la région compte « presque 500 variétés, réparties sur une centaine de km2 », dont des trilobites, les plus anciens fossiles d’Erfoud (410 a 500 millions d’années), renchérit Abdeslam Kassmi, un collectionneur local.
Dans le musée, une fois passé l’espace d’exposition, un nuage de poussière se dissipe progressivement pour laisser entrevoir des artisans qui s’affairent à couper, sculpter et polir les fossiles.
Après avoir acheminé des blocs de pierre provenant de carrières situées en périphérie de la ville, « les ouvriers les coupent en morceaux, puis les artisans se chargent de sculpter divers objets de décoration comme des fontaines, des lavabos ou encore des tables », indique M. Massoudi.
Dans cette région essentiellement connue pour ses dattes, dont le Maroc fut un des principaux producteurs au monde, le commerce des fossiles est une source de revenu pérenne tout au long de l’année.
– « Mise en valeur scientifique » –
Il permet en outre d’attirer des touristes, dont certains en quête de pièces de collection.
Ibrahim, la soixantaine, a passé la moitié de son existence à vivre de cette activité, qui nécessite du « temps, de la dextérité et de la patience ».
« Il faut procéder lentement pour ne pas endommager des pièces souvent achetées très cher. Le travail sur une pierre peut prendre jusqu’à 20 jours », avance-t-il.
A Erfoud, au-delà du musée et de ces ateliers, il existe aussi de nombreux édifices qui abritent des pièces parmi les plus rares et les plus anciennes.
Dans l’une de ces cavernes au trésor, Abdeslam Kassmi, grand connaisseur de la géologie régionale, en garde jalousement des dizaines, à la valeur inestimable.
Si certaines, les plus petites, sont proposées à la vente –à des prix tournant autour de 300 euros–, d’autres font exclusivement partie de sa collection privée et sont gardées car il s’agit « d’un patrimoine pour les générations à venir », précise-t-il. Squelettes fossilisés de dinosaure vieux de 65 millions d’années, de tortues ou encore de crocodiles. . . ces pièces racontent le passé préhistorique de la région.
Cette richesse ancestrale est toutefois menacée, estime Lahcen Kabiri, professeur à l’université d’Errachidia (60 km au nord d’Erfoud), qui évoque la surexploitation, la multiplication des salles d’exposition ainsi que les ventes sauvages à bas prix.
« Erfoud est mondialement connue (pour ses fossiles) mais la mise en valeur scientifique » fait défaut, clame-t-il.
A ce titre, le sud-est du Maroc figure dans le réseau mondial des réserves de biosphère de l’Unesco, et un accord datant de 1970 interdit l’importation et l?exportation des biens culturels par des procédés illégaux. Sans mentionner explicitement le cas des fossiles, une loi marocaine en fait de même.
Pourtant, des pièces fossilisées rares sont proposées à la vente, au vu et au su de tous, dans des bazars de la région et jusqu’à Marrakech, avant d’atterrir dans des musées en Europe ou sur le continent américain.
Ce pillage, sur lequel aucune statistique n’existe, inquiète le professeur Lahcen Kabiri. Les autorités marocaines doivent créer des « réserves écologiques » et tenter de récupérer les fossiles subtilisés, préconise-t-il.
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