Au Caire, un projet de « gaz propre » dans la « ville des ordures »
Produire du gaz domestique à partir des immenses dépôts d’ordures du Caire: un poignée de familles des quartiers déshérités expérimente une méthode originale pour fabriquer de l’énergie propre et réduire -un peu- la pollution qui étouffe la mégalopole égyptienne.
Le projet de « biogaz » produit à partir de déchets organiques est né dans le quartier de Manchiyat Nasser, plus connu sous le nom évocateur de « ville des ordures », explique Hanna Fathy, l’un de ses promoteurs.
C’est là que des dizaines de milliers de « zabbaline », les éboueurs-chiffonniers du Caire, en grande majorité des chrétiens coptes, trient à la main et dans un dénuement quasi-total les tonnes de déchets collectées dans les rues de la capitale, pour revendre le fruit de leur recyclage.
Thomas Culhane, un Américain fondateur de Solar Cities, une organisation non-gouvernementale qui cherche à « trouver des solutions locales pour générer de l’énergie renouvelable », a commencé à partir de 2007 à y installer des panneaux solaires pour produire de l’eau chaude grâce à 50. 000 dollars alloués par l’agence américaine pour le développement USAID.
Le projet a essaimé dans le quartier proche de Darb el-Ahmar, majoritairement musulman, avant qu’en février Thomas Culhane et Hanna Fathy, un habitant de Manchiyat Nasser, ne proposent aux familles des « fermenteurs à biogaz ».
Ces appareils, fabriqués avec deux bidons et quelques tuyaux, produisent du gaz « propre » à partir des déchets organiques des ménages.
Les ordures converties via un processus biochimique impliquant certaines bactéries, permettent de produire deux heures de méthane quotidiennes servant à la cuisine, ainsi que de l’engrais qu’il est possible de revendre, raconte Hanna Fathy.
« Les poubelles de l’un sont la mine d’or de l’autre », dit Thomas Culhane, qui a vécu plusieurs mois dans ces quartiers et y retourne fréquemment.
Les panneaux solaires permettent à une famille de dix personnes d’économiser environ 30 livres égyptiennes (5,40 USD) par mois, et le biogaz environ 10 livres (1,80 dollar), un gain non négligeable alors qu’en Egypte le revenu des foyers tourne souvent autour de 100 dollars.
Au total, Solar Cities a installé une trentaine de panneaux solaires et sept « fermenteurs » à biogaz.
Principal obstacle pour l’association, qui en appelle aux dons, le coût de ces installations, respectivement de 2. 400 livres (430 USD) et 700 livres (127 USD), dans un pays où le gaz et le fioul sont fortement subventionnés par les autorités.
Mais « il s’agit d’un très bon système, qui a un avenir ici, surtout maintenant qu’ils ont tué tous nos cochons », soutient Fathy.
Au printemps, les 250. 000 porcs du pays ont été abattus sur ordre du gouvernement pour lutter contre la grippe H1N1.
Mais les cochons, mis hors de cause par l’OMS pour la transmission du virus à l’homme, se nourrissaient des déchets organiques de la ville, participant ainsi au recyclage tout en procurant un revenu à leurs propriétaires.
« Le bruit des porcs me manque », raconte M. Fathy, montrant les toits de Manchiyat Nasser où les zabbaline ont désormais entassé chèvres et autres poules. « Ces animaux ne peuvent avaler ce qu’engloutissaient les cochons ».
Le biogaz, encore expérimental, est lui aussi loin de remplacer les porcs. Mais si ces systèmes étaient appliqués à grande échelle, « nous pourrions résoudre à 50% le problème de la pollution en Egypte et le problème des déchets organiques serait réglé mécaniquement », assure Thomas Culhane.
Solar Cities s’est rapprochée d’autres associations locales comme celles pour la protection de l’Environnement (APE) ou des zabbaline, pour tenter de promouvoir ses projets.
« Nous ne convaincrons pas les gens s’ils ne voient pas par eux-mêmes », estime Hanna Fathy.
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