Soudan: les rapts d’enfants, réalité oubliée des combats tribaux dans le sud
Les enfants du Sud-Soudan n’ont pas besoin d’histoires d’épouvante à la croque-mitaine pour avoir peur. Car les voleurs d’enfants y sont bien réels et sévissent de plus en plus lors de combats entre tribus rivales.
« Ils viennent ici avec des fusils et volent nos enfants, puis ils tuent ceux qui restent », souffle Aballa Abich, une mère aux traits tirés qui attend l’aide alimentaire dans l’Etat sudiste de Jonglei, le plus touché par les violences tribales à l’origine de 2. 000 morts cette année au Sud-Soudan.
« Ils peuvent attaquer de jour comme de nuit, nous ne pouvons pas laisser nos enfants hors de notre vue », dit cette femme de la tribu Anyuak dont le jeune neveu a été enlevé il y a deux ans alors qu’il chassait dans la brousse.
Les affrontements entre tribus rivales pour du bétail, du pâturage ou par vengeance sont monnaie courante au Sud-Soudan, région sous-développée plus vaste que la France et gorgée de ressources naturelles.
Mais au cours des dernières années, les petites attaques ont cédé le pas à des combats à grande échelle menés à l’arme automatique. Les enfants et les femmes, jadis épargnés, sont désormais pris pour cible, regrettent des observateurs.
Au moins 370 enfants ont été enlevés cette année dans les violences tribales au Sud-Soudan, selon les données de l’ONU. Et ce ne pourrait être que la pointe de l’iceberg. « Des milliers d’enfants ont peut-être été enlevés au cours des dernières années », estime Kuol Manyang, gouverneur de l’Etat de Jonglei.
Les jeunes garçons sont enlevés pour devenir des éleveurs de bétail, alors que les filles sont prisées pour le nombre de vaches que leur mariage rapportera à leur nouveau maître. Les parents aux enfants perdus, eux, craignent de voir leur progéniture attaquer un jour leur village d’origine sans le savoir.
« Lorsque nous sommes attaqués, nous nous demandons parfois: +est-ce que nos enfants font partie de ceux qui nous combattent aujourd’hui?+ », s’interroge Mary Ojulo, une mère de Pochalla, village de huttes jouxtant la frontière avec l’Ethiopie voisine.
La guerre civile Nord-Sud est terminée depuis 2005 au Soudan, mais deux décennies de conflit et deux millions de morts ont laissé des stigmates au sein d’une population où les tensions restent vives entre tribus ayant combattu du côté de la rébellion sudiste et celles du côté des forces nordistes.
Le conflit a aussi ébranlé les fondements de la hiérarchie traditionnelle. « Les jeunes ont des armes et ne respectent plus les chefs. . . ils ne veulent pas retourner au mode de vie traditionnel », mais en même temps ils ont encore besoin de têtes de bétail pour payer la dot du mariage, souligne M. Manyang.
« Si vous n’avez pas de bétail, vous ne pouvez pas vous marier. Or depuis la fin de la guerre, les demandes des familles ont augmenté », constate Othow Okoti, un jeune leader de Pochalla. Cette inflation maritale est l’une des causes des vols de bétail, mais aussi des rapts d’enfants, pense-t-il. « La solution facile est d’enlever des enfants et de les vendre pour obtenir des vaches », explique le jeune homme.
La tribu Murle est souvent montrée du doigt comme celle pratiquant le plus les rapts d’enfants parce qu’elle serait confrontée à un problème d’infertilité et chercherait ainsi à améliorer sa diversité génétique, un mythe qui reste toutefois sans preuve scientifique.
Un nombre croissant de tribus pratiquent les rapts d’enfants rivaux, regrettent les autorités locales qui ont libéré récemment 29 enfants. Dans certains cas, les enfants avaient été enlevés en si bas âge qu’ils ne savent plus d’où ils viennent.
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