Désirs d’avenir ou le projet du « zaïm » tunisien
Les bons résultats économiques de la Tunisie sous la gouvernance de Zine el-Abidine Ben Ali octroyeraient-ils au « zaïm » tunisien une plus large marge de manœuvre pour mener une politique réformiste ?
La Tunisie en 2050
Il n’est pas d’exercice plus difficile, pour un dirigeant politique, que de se hasarder à imaginer son pays dans vingt, trente ou quarante ans. Le contexte dans lequel il évoluera, les périls qui le menacent, les opportunités qu’il faudra être capable de saisir, les évolutions des comportements sociaux, de la démographie, et leur impact sur l’économie ou les finances publiques : autant de paramètres complexes, parfois insaisissables, qui ne concernent pas directement le chef en question, quel qu’il soit, mais qu’il convient cependant d’appréhender à leur juste mesure. Se projeter ainsi vers un avenir pourtant lointain est indispensable.
Nombre de chefs africains n’ont que peu de goût pour un tel casse-tête, même si les enquêtes et les études en ce sens, que l’horizon soit fixé à 2020, 2030 ou plus, se multiplient. C’est même très tendance en ce moment. Encore faut-il tenir compte de leurs résultats, ce qui ne semble hélas pas encore être tout à fait le cas…
On a coutume de dire que, dans les démocraties occidentales, les dirigeants réformistes ne sont jamais ceux qui, politiquement, profitent des réformes qu’ils ont pourtant initiées. Le temps politique n’est pas celui des citoyens, et seules nos mémoires et l’Histoire retiennent, parfois longtemps après, la paternité et l’impact positif de telle ou telle mesure censée mettre en branle un quelconque changement qui ne concerne pas l’amélioration immédiate du quotidien des populations. Augmenter le salaire minimum, quand on en a les moyens, c’est facile. Réformer le système éducatif, de santé ou celui des retraites, beaucoup moins.
Difficulté de la réforme
Réformer, prévoir, s’engager dans une politique de long terme comportent une multitude de risques. À preuve, la réforme du système des retraites français, inéluctable s’il en est, est impopulaire. Ne pas la mettre en œuvre, c’est repousser un problème qui ne peut plus l’être. La faire passer, en dépit des réticences de l’opinion, c’est s’assurer des ennuis incommensurables… Un système politique dans lequel il vaut mieux ne rien faire pour s’assurer les suffrages de concitoyens est-il viable ? Non.
C’est peu dire que Zine el-Abidine Ben Ali n’encourt pas vraiment l’ire de ses électeurs au moment d’envisager telle ou telle réforme. Sans craindre la moindre sanction, lui peut engager son pays, sa politique économique et sociale sur la voie du progrès, pourchasser des horizons inaccessibles ailleurs, miser sur le très long terme. Mais la démarche n’est visiblement pas si simple à suivre : combien de chefs d’État africains, dont le test électoral n’est pas franchement la principale source d’inquiétude, se lancent-ils dans pareille aventure ? Peu, trop peu.
La Tunisie peut recevoir beaucoup de leçons : son système politique qui peine, malgré la méthode Coué en vigueur dans les médias du pays, à embrasser réellement la démocratisation annoncée, la liberté de la presse, les droits de l’homme, etc. : autant de paramètres indispensables à l’essor d’une nation qui, compte tenu du niveau de développement de la Tunisie, ne devraient plus constituer des sujets de débats internes ou externes.
En revanche, là où la Tunisie n’a plus de leçons à recevoir, c’est en matière de gouvernance et de prévoyance. Le zaïm (« le chef », en arabe) Zine el-Abidine Ben Ali laissera, quel que soit le terme de sa présence à la tête de l’État, un pays sur les rails, géré et apte à s’adapter aux circonvolutions du futur. En Afrique, c’est beaucoup…
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