Au Maroc, lors d’une création d’entreprise, le futur employeur se doit de respecter des obligations concernant le personnel à recruter et l’organisation collective du travail. Focus sur ces différents points avec Lina Fassi Fihri, avocate associée au cabinet LPA-CGR avocats.
Lorsqu’un porteur de projet ou une société étrangère souhaite constituer une société au Maroc afin de développer son marché, la première étape est de créer juridiquement cette structure en étant concentré, à juste titre, sur le volet droit des sociétés à savoir prévoir la répartition du capital social, formaliser les statuts et choisir la forme juridique, déterminer les rapports entre associés, etc.
Mais dans un deuxième temps, il conviendra de recruter du personnel au sein de cette structure et dès lors, s’assurer que les obligations relatives au droit du travail marocain sont respectées. Ces obligations concernent trois points : la création de la structure, les obligations relatives à l’organisation des relations individuelles de travail et celles relatives à l’organisation des relations collectives de travail.
Déclarer l’ouverture de l’entreprise et adopter un règlement intérieur
Toute personne physique ou morale envisageant d’ouvrir une entreprise dans laquelle seront employés des salariés est tenue d’en faire déclaration à l’inspection du travail. L’absence de déclaration est punie d’une amende de 2 000 à 5 000 dirhams (176 à 441 euros).
Par ailleurs, tout employeur occupant habituellement au minimum 10 salariés est tenu, dans les deux années suivant l’ouverture de l’entreprise, d’adopter un règlement intérieur et de le soumettre à l’approbation de l’autorité gouvernementale chargée du travail.
Le règlement intérieur doit prévoir obligatoirement :
- des dispositions générales relatives à l’embauche des salariés, au mode de licenciement, aux congés et aux absences ;
- des dispositions particulières relatives à l’organisation du travail, aux mesures disciplinaires, à la protection de la santé et à la sécurité des salariés (l’employeur ou son représentant doit notamment fixer dans le règlement intérieur les conditions, le lieu, les jours et heures pendant lesquels il reçoit individuellement tout salarié qui lui en fait la demande).
- des dispositions relatives à l’organisation de la réadaptation des salariés handicapés à la suite d’un accident de travail ou à une maladie professionnelle.
L’employeur est bien entendu tenu de porter le règlement intérieur à la connaissance des salariés et d’en remettre une copie à chaque salarié qui en fait la demande. Un employeur qui ne respecte pas les obligations mentionnées ci-dessus est passible d’une amende de 2 000 à 5 000 dirhams.
Obligations relatives à l’organisation des relations individuelles de travail
L’établissement et la signature d’un contrat de travail n’est pas obligatoire, dans la mesure où une relation de travail peut se prouver par tout moyen. En revanche, dans le cas de l’embauche d’un salarié étranger, il est impératif de conclure un contrat de travail d’étranger qui est un document type. Une carte de travail doit cependant être remise à chaque salarié, et doit être renouvelée en cas de modification de sa qualification professionnelle ou du montant de son salaire.
En droit marocain, le principe est qu’un contrat de travail est à durée indéterminée. En effet, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que dans des cas limités : le remplacement d’un salarié dont le contrat est suspendu, l’augmentation temporaire de l’activité de l’entreprise et, si l’activité a un caractère saisonnier. Toutefois, la loi prévoit que lors de l’ouverture d’une entreprise pour la première fois (ou d’un nouvel établissement au sein d’une entreprise) ou lors du lancement d’un nouveau produit, dans les secteurs autres que le secteur agricole, il peut être conclu un contrat de travail à durée déterminée pour une période maximum d’une année renouvelable une seule fois. Passée cette période, le contrat sera considéré à durée indéterminée.
Selon la loi marocaine, l’employeur a l’obligation de communiquer par écrit les documents suivants aux salariés lors de leur embauche :
- le cas échéant, la convention collective de travail applicable,
- le règlement intérieur,
- les horaires de travail,
- les modalités d’application du repos hebdomadaire,
- les règles applicables en matière d’hygiène et de sécurité,
- les dates, heures et lieux de paiement des salaires,
- le numéro d’affiliation de l’entreprise à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale,
- l’organisme d’assurance l’assurant contre les accidents de travail et les maladies professionnelles.
À défaut, l’employeur s’expose à une amende de 2 000 à 5 000 dirhams.
S’agissant de l’affiliation à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), toute société nouvellement constituée est affiliée automatiquement, car le dossier déposé en vue de l’immatriculation de la société au registre du commerce contient une demande d’affiliation à cet organisme.
Immatriculation des salariés. Une fois la société immatriculée auprès du registre de commerce, un bulletin de notification des identifiants est remis à la société dans lequel est mentionné, en plus du numéro d’immatriculation au registre du commerce, le numéro d’affiliation à la CNSS. Lorsque le numéro d’affiliation à la CNSS est délivré, la société est tenue de procéder à l’immatriculation de chacun de ses salariés.
Obligations relatives à l’organisation collective des relations de travail
Les délégués des salariés :
En droit marocain, toute société employant au moins dix salariés permanents doit procéder à l’élection de délégués des salariés. En pratique, l’autorité gouvernementale publie un calendrier annuel afférent aux élections des délégués des salariés.
La loi sanctionne à la fois le non-respect du calendrier établi par l’autorité gouvernementale et le défaut de réalisation des élections des délégués des salariés. Par conséquent, la société encourt les deux sanctions pénales, à savoir une amende de 2 000 à 5 000 dirhams lorsque les dates et les modalités d’organisation des élections n’ont pas été respectées, et une amende de 25 000 à 30 000 dirhams lorsque l’organisation des élections n’a pas été réalisée.
Le comité d’entreprise (CE) :
Toute société employant au moins 50 salariés doit créer un comité d’entreprise. Le Code n’explicite pas les modalités d’appréciation dudit seuil de 50 salariés, toutefois, à notre sens, ce dernier doit s’apprécier de manière globale, et prendre en compte les salariés occupés par la société, qu’ils soient titulaires de contrats à durée déterminée ou indéterminée, en intérim ou de manière stable. À défaut, l’employeur s’expose à une amende de 10 000 à 20 000 dirhams.
Le comité d’hygiène et de sécurité :
À l’instar des dispositions afférentes au comité d’entreprise, toute société employant 50 salariés doit créer un comité d’hygiène et de sécurité, à défaut, l’employeur s’expose à une amende de 2 000 à 5 000 dirhams.