Professeur assistant à Wits, ce jeune RD congolais de 30 ans, diplômé en chimie industrielle, est passé par deux prestigieuses université d’Afrique du Sud. Mais son statut de réfugié dans ce pays freine sa recherche d’emploi.
Réfugié avec sa famille en Afrique du Sud en 2008, le Congolais Yannick Moïse Ilunga avait 20 ans à son arrivée dans la Nation arc-en-ciel. Peu avant son départ du pays, il était en seconde année en génie métallurgique à l’Université de Lubumbashi, avec pour optique de faire carrière dans l’industrie minière du Katanga. En exil, il a d’abord voulu parfaire son anglais, avant de chercher une université sud-africaine pour y poursuivre ses études.
Bon niveau
« J’ai suivi quelques mois de cours à l’Institut Claremont, au Cap, à préparer le TOEFL (Test d’anglais comme langue étrangère), sésame crucial pour s’inscrire à l’université », raconte-t-il. Naturellement, il entend parler de de la bonne réputation de l’Université du Cap (UCT) voisine, attestée dans la plupart des classements internationaux. Et réussit dès 2009 à en franchir les portes. « Le niveau scolaire en RD Congo reste meilleur que celui d’Afrique du Sud, notamment dans les matières scientifiques. En première année de Bachelor, j’ai par exemple réétudié des sujets déjà vues dans mon lycée à Lubumbashi, telles que les intégrales en mathématiques. Ce qui fait que je n’ai pas eu de difficulté, ni pour entrer à l’université, ni pour y suivre les cours, contrairement à certains de mes camarades sud-africains », poursuit-il.
Intégrant UCT en première année de Bachelor d’ingénierie chimique, diplôme le plus proche de ce qu’il étudiait à Lubumbashi, Yannick Ilunga poursuit sans encombre son parcours universitaire, obtenant son Bachelor en 2014, puis son Master en ingénierie chimique en 2016, toujours à UCT.
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Bourse du gouvernement
Sans attache au Cap – sa famille s’est installée à Rustenburg, à 130 km de Johannesburg – il a choisi logiquement de vivre sur le campus de l’université, dans une résidence étudiante. Il est alors soutenu par une bourse annuelle de 120 000 rands (environ 9 200 euros à l’époque) octroyée par le gouvernement sud-africain. Sur cette somme, 50 000 rands passaient dans le logement, et 50 000 rands pour les cours, et le reste pour la nourriture et les déplacements.
Equipements
« J’y ai passé de belles années, avec tous les équipements nécessaires à disposition, notamment l’accès à Internet et aux serveurs informatiques efficaces, dans un environnement agréable qui contrastait radicalement avec ce que j’avais connu à Lubumbashi, où les amphithéâtres étaient surchargés, et les corrections de partiels parfois jamais données », explique l’étudiant, qui a profité de cette période pour s’investir, à côté de ses études, dans plusieurs associations sportives du campus, pratiquant notamment le tennis, l’aviron et la boxe.
Autonomie
Il s’acclimate rapidement au mode d’enseignement, d’inspiration anglo-saxonne. « On peut composer son diplôme en choisissant entre plusieurs options, on est acteur de son parcours universitaire. Il faut se prendre en charge, lire énormément livres et polycopiés. Si on ne lit pas, il ne sert à rien d’aller en cours, on n’y comprendra rien », avertit-il, appréciant l’articulation entre des cours théoriques – lecture classes – et pratiques – tutorial classes -, ces derniers étant dispensés dans des laboratoires de bonne qualité, par un professeur assisté d’un doctorant. « À UCT, je savais qu’en travaillant, seul et en groupe, et en sollicitant mes professeurs, j’obtiendrai des résultats, le chemin était balisé, rassurant », se souvient Yannick Ilunga. Pendant son master, il a effectué un stage au traitement des eaux usées du Cap, une bonne expérience, même s’il aurait préféré travailler dans le secteur privé, peu ouvert à son statut de réfugié.
Discrimination positive
À sa sortie d’UCT, en 2016, le jeune Congolais, qui peine à trouver un emploi dans la Nation arc-en-ciel, décide de poursuivre ses études par un doctorat, et pose sa candidature en PhD à l’Université du Witwatersrand – alias Wits -, l’autre établissement sud-africain prestigieux bien classé à l’international, fréquenté jadis par Nelson Mandela. Et, là encore, il est accepté sans encombre. « À la différence de UCT, où un grand nombre de professeurs sont blancs ou étrangers, il y a davantage d’enseignants noirs et Sud-Africains à Wits, et ils sont parfois plus accessibles ; et il y a des initiatives plus poussées en matière de discrimination positive », note-t-il. Tout en relevant l’organisation mieux rodée de UCT – notamment pour accueillir les étudiants étrangers avec un « welcome-pack », des réunions d’information et même un tutorat entre étudiants – en comparaison de Wits, où il faut, à la rentrée, plusieurs jours pour comprendre comment trouver les polycopiés de cours et ses emplois du temps.
Statut précaire de réfugié
Préparant sa thèse sur l’optimisation de procédés en chimie industrielle, Yannick Ilunga, qui perçoit un petit salaire de professeur assistant (60 000 rands par an), veut décrocher à terme un poste d’ingénieur mieux rémunéré dans le secteur privé. « J’ai besoin de mettre en pratique ce que j’ai appris à UCT et Wits, et de mieux gagner ma vie. Il m’est toujours difficile de décrocher un emploi en Afrique du Sud, compte-tenu de mon statut précaire de réfugié et d’étranger, mal accepté par les entreprises privées, qui embauchent en priorité des Sud-Africains. Quasiment tous mes camarades de promotion natifs du pays ont trouvé un travail bien rémunéré ! », observe-t-il.
Tout en poursuivant ses travaux de thèse à Wits, et son activité de professeur assistant, l’ingénieur congolais, qui vient d’avoir 30 ans, envoie des candidatures dans des groupes industriels à l’étranger, soit dans son pays natal la RD Congo, dans le secteur minier notamment, soit dans un autre pays où ses diplômes sud-africains de UCT et Wits seront reconnus et utiles.