Licencier pour des raisons économiques ne se fait pas d’un simple claquement de doigts. Avant de choisir cette solution, l’employeur doit étudier toutes les pistes pouvant déboucher sur la sauvegarde d’emplois. Le cabinet d’avocats Geni & Kébé revient sur la procédure à suivre.
Le licenciement pour motif économique est la rupture unilatérale de relations de travail, initiée par l’employeur pour des raisons de difficultés économiques ou de réorganisation intérieure telles que prévues par l’article L-60 du Code du Travail.
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En effet, des difficultés résultant d’une conjoncture économique peuvent conduire l’employeur à licencier des travailleurs dans le but de réduire ses frais généraux pour sauvegarder son investissement et éviter une fermeture définitive.
Également, la réorganisation interne découlant de la volonté motivée de l’employeur à restructurer son entreprise, dans le cadre de ses prérogatives patronales, peut conduire à la mutation d’un service à un autre, d’un emploi à un autre, à la reconversion de certains agents d’un poste de travail à un autre et parfois même au licenciement de travailleurs.
Ces types de licenciements, individuel ou collectif, pour être légitimement qualifiés de « licenciement pour motif économique », devront suivre une procédure spéciale prévue aux articles L-61 à L-64 de la loi 97-17 du 1er décembre 1997, portant Code du Travail au Sénégal.
Attention : le licenciement économique fondé sur une conjoncture économique incertaine ou créée, pourrait être considéré par le juge comme illégitime et sujette à des dommages et intérêts. Le principe de la prérogative patronale confère effectivement le droit à l’employeur de réorganiser son entreprise suivant sa volonté. Cependant, quelle que soit la liberté d’exercice de ce pouvoir, la réorganisation doit se faire dans l’intérêt exclusif de l’entreprise et les motifs invoqués doivent être réels.
La procédure légale à suivre :
Étape 1 : la consultation des délégués du personnel
L’employeur doit se réunir (autant de fois que nécessaire) avec les délégués du personnel, ou avec le personnel en l’absence de ceux-ci, pour les informer et rechercher avec eux toutes les combinaisons ou alternatives légales et possibles, à même d’éviter le recours au licenciement telles que :
- La réduction des heures de travail ;
- Le travail par roulement ;
- Le chômage partiel ;
- La formation ou le redéploiement du personnel.
- Etc.
À l’issue des rencontres, si aucune solution autre que le licenciement n’est trouvé, la médiation de l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale devient obligatoire.
L’employeur établit alors les comptes rendus des réunions avec les délégués du personnel et les communique à l’inspecteur du travail du ressort dans un délai de huit jours, pour solliciter ses bons offices.
Étape 2 : l’intervention de l’inspecteur du travail
À compter de la réception des comptes rendus consacrant l’échec dans les tentatives à éviter le licenciement, l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale, dispose d’un délai de 15 jours pour exercer éventuellement ses bons offices.
Dans ce cas, l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale peut convoquer l’employeur et les délégués à l’inspection du travail ou se déplacer sur site pour leur poser des questions sur les motifs du licenciement économique. Dans cette étape aussi, l’inspecteur doit aider à trouver des solutions si possibles à éviter le licenciement. Cependant, au cas où le licenciement est imminent, il peut aussi assister l’employeur pour ce faire. Dans cette procédure, l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale joue le rôle de médiateur et de facilitateur.
Étape 3 : établissement de l’ordre des licenciements par l’employeur
Après l’échéance du délai de 15 jours imparti à l’inspecteur du travail pour faire valoir ses bons offices, si certains licenciements sont nécessaires, l’employeur doit établir l’ordre des licenciements en tenant compte des critères de sélection prévus par la loi, tels que :
- L’aptitude professionnelle des travailleurs (où les moins aptes professionnellement parmi les travailleurs occupant les postes d’emploi ciblés devront être les premiers à être licenciés) ;
- L’ancienneté, en cas d’égalité d’aptitude professionnelle (où les moins anciens parmi les travailleurs occupant les postes d’emploi ciblés devront être les premiers à être licencier) ;
- La charge de famille, en cas d’égalité d’aptitude professionnelle et d’ancienneté (où les moins chargés du point de vue du nombre d’enfants parmi les occupants des postes d’emploi ciblés devront être les premiers à être licencier).
Une fois la sélection terminée, la liste des travailleurs à licencier est communiquée aux délégués du personnel avec précision des critères retenus.
Exemple pratique de sélection :
Étape 4 : l’annonce et la notification des licenciements proprement dits
Si parmi les travailleurs à licencier il y a un délégué du personnel, l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail est requise obligatoirement.
Dans les sept jours à compter de la communication de la liste des travailleurs sélectionnés selon les critères préalablement retenus, l’employeur se doit de convoquer les délégués du personnel pour recueillir leurs suggestions, qui devraient être consignées dans le compte rendu à établir par l’employeur au terme de la rencontre.
Juste après cette rencontre, l’employeur peut légalement procéder au licenciement.
NB : si parmi les travailleurs à licencier il y a un délégué du personnel, l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail est requise obligatoirement.
Étape 5 : à faire après le licenciement
L’employeur devra communiquer à l’inspecteur du travail pour information la liste des travailleurs licenciés et le compte rendu de la réunion de suggestion dans un délai d’une semaine.
Les indemnités légales à verser
En plus de la délivrance d’un certificat de travail, l’employeur doit payer :
- Indemnité compensatrice de préavis, éventuellement au cas où le préavis n’aurait pas été observé.
- Indemnité de licenciement
- L’indemnité compensatrice de congé, éventuellement
- Indemnité spéciale non imposable égale à un mois de salaire brut.
Les considérations d’après licenciement
La priorité d’embauche
Les travailleurs licenciés pour motif économique conservent pendant deux ans un droit de priorité de réembauche au même poste d’emploi dans la même entreprise.
Les travailleurs licenciés pour motif économique conservent pendant deux ans un droit de priorité de réembauche au même poste d’emploi dans la même entreprise. Le travailleur est tenu dès lors, de communiquer à son ex-employeur, après son départ de l’entreprise, tout changement intervenu dans son adresse de domicile. En cas de vacance, l’employeur doit convoquer le travailleur à sa dernière adresse connue par lettre recommandée avec accusé de réception. À compter de la réception de la convocation, sous peine de déchéance, le travailleur est tenu de se présenter sous huitaine.
En cas de litige
Le licenciement pour motif économique doit être justifié et la preuve de cette justification incombe toujours à l’employeur.