De nombreux étrangers, pour la plupart français ou binationaux, travaillent au Maroc au sein de structures de droit marocain soit détachement, soit en expatriation ou bien en contrat dit « local ». Lina Fassi-Fihri, associée au cabinet LPA-CGR avocats, nous éclaire sur ces notions, les différences de régime juridique et en matière de sécurité sociale.
La multiplicité de réglementations applicables rend parfois difficile les définitions de détachement, d’expatriation ou bien, d’un contrat dit « local ». Ces notions s’appréhendent à l’aune du droit du travail mais également à celui du régime de la sécurité sociale des pays concernés. Sur ce dernier point, le Maroc a signé de nombreuses conventions bilatérales régissant le régime de sécurité sociale des ressortissants des pays signataires, il convient donc de vérifier si tel est le cas, et d’en prendre connaissance avant d’envisager toute opération de détachement ou expatriation.
Pas de définition juridique précise
S’agissant du droit du travail, le droit marocain n’apporte aucune précision sur le régime du détachement ou de l’impatriation de salariés étrangers. Le droit français pour sa part ne donne pas plus de définition légale du détachement qui se définit a contrario de l’expatriation pour laquelle un unique article relatif à l’obligation de rapatriement incombant à l’employeur dispose que : « Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein ».
In fine, le droit du travail, tant marocain que français, ne permet pas de définir le régime juridique de ces notions.
Qu’en est-il du droit de la sécurité sociale ?
Le Dahir portant loi n° 1-72-184 relatif au régime de sécurité sociale marocain n’apporte pas plus de précision sur ces notions.
En revanche, l’article L. 761-1 du Code de la Sécurité Sociale français dispose que « les travailleurs détachés temporairement à l’étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée qui demeurent soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de conventions ou de règlements internationaux, sont réputés, pour l’application de cette législation, avoir leur résidence et leur lieu de travail en France ». Précisément, la France et le Maroc ont signé une Convention de sécurité sociale le 22 octobre 2007 accompagné d’un arrangement administratif général conclu en 2009, qui encadrent les règles relatives au régime de sécurité sociale applicables aux ressortissants des deux pays, notamment dans le cas de détachement de salariés.
Quels schémas retenir ?
Il résulte de l’ensemble de ces textes, ainsi que de la pratique, que les schémas de détachement et d’expatriation peuvent être définis comme suit :
Détachement :
- le contrat de travail initial de droit français est maintenu, auquel se superpose éventuellement une lettre de mission pour les cas de détachement de très courte durée ;
- il y a maintien du lien de subordination avec l’employeur français ;
- le détachement est obligatoirement effectué pour une durée inférieure à trois ans, renouvelable une seule fois sous réserve d’autorisation ;
- la rémunération est versée par l’entreprise d’origine, basée en France ; sur ce point, il est loisible au salarié détaché, dès lors qu’il remplit les conditions de résidence au Maroc, de recevoir son salaire sur un compte bancaire convertible en euros, ce qui lui permettra de transférer des montants en dehors du Maroc si besoin en était, et ce, en conformité avec la réglementation des changes marocaine ;
- il est prévu le maintien du bénéfice du régime de la sécurité sociale française, l’employeur français continue donc de payer les cotisations sociales en France.
Expatriation :
- le contrat de travail initial est suspendu et un avenant d’expatriation est conclu entre les parties ; certaines obligations incombent à l’employeur français (rapatriement et reclassement) ;
- il n’existe plus de lien de subordination avec l’employeur français ;
- la durée de l’expatriation peut être illimitée ;
- la rémunération est en principe intégralement versée par l’entreprise d’accueil et donc en devise locale ;
- le salarié bénéficie du régime de la sécurité sociale marocaine et est donc affilié à la CNSS, il peut également souscrire à la Caisse de Sécurité Sociale des Français à l’Etranger, le débiteur du paiement des cotisations étant un élément de négociation de la proposition d’expatriation.