Depuis trois ans à Yaoundé, une antenne de l’École supérieure de commerce de Troyes, en France, propose un bachelor en gestion. Entretien avec Francis Bécart, directeur du groupe rebaptisé récemment Y Schools.
Récemment renommée Y Schools, l’École supérieure de commerce de Troyes a lancé il y a deux ans l’École Internationale du management et de l’entrepreunariat (EIME) de Yaoundé. À travers le développement d’un bachelor en business et management, le groupe compte s’implanter dans la durée sur le continent.
Jeune Afrique : Le campus de l’EIME à Yaoundé a accueilli sa première promotion en octobre 2016. Quelles sont les motivations de cette implantation au Cameroun ?
Francis Bécard : Elles sont multiples. Je pense qu’il est important pour n’importe quelle grande école d’avoir un campus à l’étranger. La dimension internationale, il faut la vivre. La deuxième raison, c’est que le continent africain nous séduit. La créativité des Africains mérite notre attention. La meilleure façon de prouver qu’on fait de la RSE est de rendre service à des populations qui ont besoin de formations. Je crois aussi que c’est un continent en devenir et il faut y être à présent. Notre présence au Cameroun est surtout liée à une opportunité et des rencontres.
>> LIRE AUSSI : Cameroun : la faculté de génie industriel de Douala forme-t-elle de vrais ingénieurs ?
Quel est le contenu des programmes ?
C’est un bachelor en trois ans qui dispense les bases en gestion. Il combine les sciences de gestion de management et d’entrepreneuriat, qui est quand même l’ADN de notre école. Ce sont les mêmes cours qu’en France avec des études de cas liés au continent. Pour l’admission, c’est sur dossier, concours et entretien. Il faut minimum le bac mais cela arrive que certains de nos étudiants aient déjà fait des formations universitaires. Aujourd’hui, nous comptons 90 étudiants. Les cours sont assurés par des enseignants chercheurs français et internationaux. Des stages ont lieu au Cameroun et à l’étranger. Il y a également un programme d’échange en place pendant un semestre à Troyes. Et dès l’année prochaine, nous enverrons des jeunes français pour un semestre à Yaoundé.
L’employabilité est la première préoccupation.
Quels sont vos objectifs en termes d’employabilité ?
Précisément de faire en sorte que devenir fonctionnaire ne soit pas la seule issue pour des jeunes ambitieux. L’employabilité est la première préoccupation. Or les jeunes formés ne correspondent pas aux entreprises implantées. Il faut donc ajuster les formations et se mettre au diapason. On les prépare à satisfaire les besoins des entreprises privées en plein essor. L’Afrique se développera correctement si l’encadrement et la direction des entreprises sont assurés par des Africains. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Notre objectif est donc de former des cadres africains capables d’assumer le management de ces entreprises. Il y a une démographie conséquente en Afrique avec 50 % de la population qui a moins de 17 ans, ce qui est extraordinaire pour un continent. Ces jeunes-là ne sont pas différents des nôtres. Ils ont moins voyagé, ils sont moins riches mais ils ont une culture intéressante.
>> LIRE AUSSI : Cameroun : Orange va proposer des formations en ligne dans les universités
On essuie les plâtres, tout n’est pas simple, mais il n’y a que des bonnes intentions.
Quel premier bilan faites-vous ?
C’est notre troisième rentrée. Il n’y a que du positif, dans l’accueil du pays, des parents, des jeunes, des entreprises. Aujourd’hui nous avons près d’une centaine d’étudiants, avec une croissance intéressante et une dynamique passionnante au niveau pédagogique. La proximité avec l’ambassade de France et l’attention porté à notre projet nous a aidés. La considération pour l’enseignement supérieur français est plutôt positive. Aujourd’hui il n’y a aucune autre école européenne implantée au Cameroun en campus propre. On essuie les plâtres, tout n’est pas simple, mais il n’y a que des bonnes intentions. Nous avons beaucoup de jeunes brillants, dont des filles qui ont eu le bac à 16 ans. On touche sans doute le haut du panier, je ne sais pas. En tout cas, il y a des jeunes qui méritent notre attention.
Il faut être humble. Pour nous, il s’agit d’un projet lourd.
>> LIRE AUSSI : Didier Acouetey (AfricSearch) : « Le continent ne produit pas assez de techniciens »
Quelles sont vos perspectives de développement ?
On développe peu à peu l’écosystème sur place. En parallèle du bachelor, l’idée est d’accompagner demain, via un incubateur, nos étudiants pour créer ou reprendre des entreprises existantes et les développer. Il est évident qu’une partie de ces jeunes voudront poursuivre leur master à l’étranger. Là encore, je pense qu’on fera en sorte qu’ils reviennent sur place. Mes équipes se penchent également sur des formules de paiement différé sur des salaires perçus ultérieurement pour que les jeunes puissent financer leurs études s’ils n’en ont pas les moyens à court terme. Il faut être humble. Pour nous, il s’agit d’un projet lourd. Tant qu’on n’aura pas atteint 150-200 étudiants, on aura du mal à équilibrer les budgets. Il faut qu’on y aille doucement. Si je me projette dans 10 ans, j’ai bon espoir que nous ayons entre 500 et 800 élèves sur le continent africain à différents endroits.
>> LIRE AUSSI : Isabelle Huault (Paris-Dauphine) : « Notre objectif en Afrique est d’affirmer une présence locale »
Pourquoi avoir rebaptisé l’ESC Troyes en Y Schools ?
L’idée de cette nouvelle identité est simple. Continuer à s’appeler groupe ESC Troyes présentait des inconvénients dans la durée. Nous avons diversifié l’activité de manière colossale. Nous ne sommes plus uniquement dans le domaine du management. Il y a du design, du tourisme, des écoles de la deuxième chance et beaucoup de formation continue. L’appellation francophone n’a plus tellement de sens non plus car on travaille avec une cinquantaine de pays différents et 200 universités. Et le Y, c’est la lettre la plus importante du nom de la ville de Troyes. Cela nous rappelle nos racines, nous en sommes fiers et en même temps nous sommes internationaux.