Qu’elle soit à l’initiative du salarié ou de l’employeur, la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée doit respecter un formalisme strict. Lina Fassi-Fihri, associée au cabinet LPA-CGR avocats, détaille la marche à suivre.
La tendance générale consiste à conclure des contrats soumis au droit local du pays dans lequel se trouve l’entreprise. Ainsi, de nombreux salariés travaillant au Maroc peuvent s’interroger sur les conditions de rupture de leur contrat de travail conclut avec une entreprise au Maroc*.
Les motifs de la rupture d’un CDI
La fin d’un contrat à durée indéterminée (CDI) peut résulter d’une démission de la part du salarié. Dans ce cas, ce dernier doit informer par écrit son employeur, et faire légaliser, c’est-à-dire en faire authentifier la signature par un agent de la commune, ce document en deux exemplaires, sans qu’il soit nécessaire de justifier sa décision. En revanche, il devra nécessairement – sauf accord entre les parties – respecter le délai de préavis prévu dans son contrat. S’il n’en n’a pas été prévu entre les parties, la réglementation prévoit que le préavis est d’un à trois mois pour un cadre en fonction de son ancienneté (décret n° 2-04-469).
Il n’existe pas de rupture conventionnelle dans la réglementation marocaine
À l’inverse, la rupture du contrat peut être aussi à l’initiative de l’employeur. En droit marocain, elle peut intervenir pour faute non grave ou pour faute grave du salarié. À noter qu’il n’existe pas de rupture conventionnelle dans la réglementation marocaine.
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La faute non grave
Le code du travail marocain dispose qu’« est interdit le licenciement d’un salarié sans motif valable sauf si celui-ci est lié à son aptitude ou à sa conduite ». La justification du licenciement pour faute non grave incombe à l’employeur, et en pratique, celui-ci a souvent des difficultés à apporter la preuve des agissements du salarié.
La justification du licenciement pour faute non grave incombe à l’employeur.
L’employeur est tenu d’appliquer les sanctions disciplinaires prévues par la loi de manière graduelle. L’employé visé par une procédure de licenciement pour juste motif devra recevoir un avertissement puis un blâme, puis un deuxième blâme ou une mise à pied puis enfin, un troisième blâme ou un transfert de poste.
Lorsque ces sanctions disciplinaires sont épuisées dans l’année, l’employeur est enfin libre de procéder au licenciement du salarié qui, dans ce cas uniquement, sera considéré comme justifié.
La faute grave
L’employeur peut également rompre le contrat en cas de faute grave du salarié. Les cas de faute grave sont énumérés dans la loi et il s’agit généralement de faits d’une gravité telle que la poursuite du contrat n’est plus possible. Par exemple, le vol, les insultes graves, une rixe sur le lieu de travail sont considérés comme des fautes graves. Cette liste n’est en principe pas exhaustive mais la jurisprudence marocaine a tendance à faire une interprétation stricte et rigoureuse des fautes listées par la loi et à qualifier d’abusif les licenciements qui ne seraient pas fondés sur l’un des motifs y figurant expressément.
Le vol, les insultes graves, une rixe sur le lieu de travail sont considérés comme des fautes graves.
Dans le cas de la faute grave, le contrat cesse sans préavis et sans indemnités mais la procédure à respecter est la même que celle d’une rupture avec juste motif décrite ci-avant.
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Un formalisme strict dont le non-respect peut avoir de lourdes conséquences pour l’employeur
Le licenciement doit, sous peine d’être qualifié d’abusif par le juge, répondre à un formalisme strict encadré par des dispositions qui sont d’ordre public, et ce, quand bien même le motif serait valable.
Entretien
Le code du travail prévoit que le salarié doit être convoqué à un entretien afin d’être entendu par l’employeur, en présence du délégué des salariés ou du représentant syndical ou d’un autre employé de l’entreprise, qu’il choisit lui-même. Cet entretien doit se tenir dans un délai ne dépassant huit jours à compter de la date de constatation de l’agissement qui lui est reproché.
À l’issue de cet entretien, il est rédigé un procès-verbal qui est signé par les deux parties et dont une copie est remise au salarié.
Inspection du travail
À ce stade, si l’une des parties (généralement le salarié qui refuse de signer le procès-verbal ou de le prendre) refuse de poursuivre la procédure, il est alors fait recours à l’inspection du travail. Cette disposition légale a suscité de nombreuses dérives défavorables aux employeurs puisqu’en pratique, l’inspection du travail ne répondait jamais à la saisine de l’employeur, de sorte que la procédure de licenciement se trouvait bloquée. L’employeur ne préférant pas risquer de s’éloigner de la procédure et voir ainsi ledit licenciement qualifier d’abusif. En 2017, une circulaire 122/17 du ministère du travail est venue clarifier cette disposition légale.
En l’absence d’un tel blocage, la décision de licenciement doit être remise au salarié en main propre contre reçu ou par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quarante-huit heures suivant la date à laquelle la décision de licenciement a été prise.
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Contenu de la décision de licenciement
Une copie de la décision de licenciement doit être transmise à l’inspection du travail, et comporter les motifs justifiant le licenciement du salarié, la date à laquelle il a été entendu, et être assortie d’une copie du procès-verbal de l’entretien avec le salarié.
La lettre de licenciement indique au salarié le motif, la durée du préavis à effectuer (ou sa dispense) ainsi que l’information de ce que son solde de tout compte et une attestation de travail lui seront remis à compter de cette date. En pratique, il est également demandé au salarié de remettre les équipements mis à sa disposition pour effectuer sa mission.
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*Cet article n’aborde pas ici la question de la rupture du contrat de travail d’étranger, qui se superpose au contrat de droit commun, et dont les problématiques ont d’ores et déjà été détaillées dans l’article suivant : Maroc : 4 choses à savoir sur le contrat de travail d’étranger