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Kenya : des bourses pour renforcer le leadership des femmes scientifiques

Chaque année, la fondation L’Oréal et l’Unesco attribuent des bourses à des femmes scientifiques issues d’Afrique subsaharienne. L’objectif, renforcer leur capacité à convaincre des donateurs et défendre leurs travaux.

Par - à Kenya
Mis à jour le 13 décembre 2018
Le Forum women in science organisé par la Fondation L’Oréal et l’Unesco a récompensé 14 lauréates début décembre à Nairobi au Kenya. © Women in Science/2018.

Women in Science/2018.

Chaque année, la fondation L’Oréal et l’Unesco attribuent des bourses à des femmes scientifiques issues d’Afrique subsaharienne. L’objectif, renforcer leur capacité à convaincre des donateurs et défendre leurs travaux.

Nairobi, début décembre 2018. Près de 300 personnes sont rassemblées dans la salle de conférence du Radisson Blu d’Upper Hill, un hôtel cinq étoiles du quartier chic de la capitale kényane. Elles sont venues assister à la neuvième cérémonie du programme régional pour les femmes et la science, organisée par la Fondation L’Oréal et l’Unesco. L’événement, qui récompense 14 chercheuses issues de cinq pays d’Afrique subsaharienne, met en lumière les difficultés que rencontrent les chercheuses africaines à se faire une place dans un monde encore très masculin.

Le défi de la visibilité

« Le manque de compétences en communication interpersonnelle est un obstacle constant à l’impact du travail scientifique. Pour renforcer cette contribution, les femmes scientifiques doivent convaincre les donateurs et aller au-delà des faits », explique Aurélien Colson, professeur associé de sciences politiques à l’Essec Business School de Paris.


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Dans cette logique, le programme prévoit – en plus de récompenses financières de 5 000 euros pour les doctorantes et 10 000 euros pour les post-doctorantes – des formations en leadership, management, négociation, prise de parole en public ou encore en media training. Le but : donner aux lauréates, qui évoluent dans différents domaines tels que la chimie, l’informatique, les sciences nucléaires, l’épidémiologie ou la pharmacologie, un bagage solide conçu pour leur permettre de briser le plafond de verre.

Nous leur offrons donc la visibilité qu’elles méritent mais aussi des moyens pour agir. »

« Il est de notoriété publique que les femmes scientifiques doivent relever des défis supplémentaires et nous devons les doter de compétences supplémentaires. Pendant longtemps, la production de la pensée a été un espace dominé par les hommes. Nous leur offrons donc la visibilité qu’elles méritent mais aussi des moyens pour agir », confirme Alexandra Palt, vice-présidente de la Fondation L’Oréal.

Manque de financement

Selon l’Unesco, l’Afrique subsaharienne compte en moyenne 31,3 % de chercheuses en sciences. Les pays ayant les proportions les plus faibles en Afrique sont la Guinée et le Tchad avec 9,8 % et 4,8 % de femmes scientifiques. Ce manque de visibilité n’est pas sans conséquence pour la recherche car il est bien souvent couplé au manque de financements dans un contexte africain où les investissements consacrés à la recherche ne sont déjà pas très importants.


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À titre d’exemple, sur les 14 boursières de l’édition 2018 du programme régional pour les femmes et la science, huit sont sud-africaines. Parmi les six autres, on compte deux Kényanes, deux Nigérianes, une Ghanéenne et une Mauricienne. Et trois des non sud-africaines poursuivent leurs études doctorales dans des universités sud-africaines, ce qui souligne encore davantage le déséquilibre régional. « L’Afrique du Sud a beaucoup investi dans la science, souligne Alexandra Palt, nous sommes au Kenya pour changer ce déséquilibre. Nous voulons que cela fonctionne pour toute l’Afrique. Nous voulons apporter notre soutien. »

Depuis sa création en 1998, la Fondation L’Oréal a récompensé 3 122 femmes scientifiques

Plus de bourses en 2019

Depuis sa création en 1998, la Fondation L’Oréal a récompensé 3 122 femmes scientifiques dont 102 d’entre elles en tant que lauréates et 3 020 de 117 pays en tant que boursières. Il y a essentiellement trois niveaux de prix pour les femmes et la science : les prix mondiaux, régionaux et nationaux. Concernant les prix régionaux, la phase de candidature dure trois mois, tandis que la sélection des candidates présélectionnées par le jury dure un mois. Selon Rima Beesoo, boursière mauricienne de 2018, la langue a été un problème majeur lors de la première étape. « La candidature de 2018 n’était qu’en anglais, ce qui a freiné de nombreuses femmes scientifiques des pays francophones ». Interrogés sur la question, les organisateurs des prix ont reconnu cet oubli et plusieurs d’entre eux ont mentionné leur intention d’organiser le gala des prix 2018 dans un pays francophone.


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Le programme de bourses a débuté en 2000. À l’origine, la fondation offrait 10 bourses de recherche, mais elle en offre maintenant jusqu’à 15, avec une période de subvention pouvant aller jusqu’à deux ans. Le programme subsaharien a débuté en 2010, avec 11 lauréats et 129 boursiers décernés depuis lors. « À partir de 2019, nous aurons 20 bourses pour le programme régional africain allant de 10 000 euros pour la recherche doctorale à 15 000 euros pour la recherche post-doctorale », conclut Alexandra Palt.