Sous l’impulsion du Plan Sénégal Emergent (PSE), de nouveaux secteurs se développent dans la capitale sénégalaise offrant de nombreux débouchés professionnels dans la région. Mais la main d’œuvre qualifiée manque aujourd’hui sur le marché.
Depuis bientôt cinq ans, Dakar se métamorphose. Initié par le président Macky Sall, le plan Sénégal Emergent (PSE), dont la deuxième phase démarre en 2019, est à l’origine de cette grande transformation. L’objectif : favoriser le développement économique et social du Sénégal, et hisser sa capitale au rang de hub économique de l’Afrique de l’Ouest. Face aux nouvelles opportunités d’emplois, les entreprises se pressent aujourd’hui dans la capitale et sa région. Mais elles sont rapidement confrontées à une pénurie de main d’œuvre qualifiée. Dans une étude de l’Office national pour la formation professionnelle (ONFP) publiée en 2018, 72 % des entreprises dans dix secteurs affirment avoir rencontré des difficultés majeures à recruter. L’inadéquation entre les besoins de ces nouveaux acteurs et le manque de formations professionnelles est l’une des causes relevées.
>> LIRE AUSSI : Emploi en Côte d’Ivoire : les métiers qui recrutent à Abidjan
Double compétence
En plein développement grâce à une amélioration de l’environnement des affaires au Sénégal, les entreprises du secteur minier comme Sabadola, a Grande Côte Opérations ou encore Fephos, spécialisé dans le phosphate, recherchent par exemple des spécialistes. Or, les filières de niveau bac +2/3 et bac +5 en génie minier, génie civil, génie métallurgique et génie géologique ne sont pas assez nombreuses. La majorité des entreprises ont également un besoin criant de cadres dirigeants dotés d’un profil hybride. Les écoles privées s’adaptent petit à petit à cette demande. « Nous formons nos étudiants pour qu’ils puissent allier management et technique », explique Aichatou Dieng, responsable des programmes de BEM Dakar. Une double casquette également demandée dans le BTP qui prend de l’ampleur dans la capitale avec les nouveaux chantiers (construction de logements, amélioration des transports…).
Le boom de l’agro-business
Parmi les secteurs en expansion, l’agriculture occupe une place de choix. Selon l’ONFP, plus de 5 000 postes sont à pourvoir dans ce secteur sur les 19 666 emplois prévus dans le PSE.
« Nous avons une forte appétence pour le « consommer local » au Sénégal en ce moment », note Deffa Ka manager du cabinet Fed Africa. Les géants du secteur comme les Grands Domaines du Sénégal, spécialisés dans l’horticulture, ou Société de Cultures Légumières, se sont installés à Saint-Louis, région qui concentre l’activité. D’ouvrier à ingénieur agricole, les débouchés sont multiples.
>> LIRE AUSSI : Classement : les 4 meilleurs employeurs d’Afrique selon Forbes
Si le marché reste dominé par les groupes internationaux comme Nestlé qui recrute surtout à Dakar des profils top management, des entreprises locales se professionnalisent. Sedima, dont le siège est situé dans la capitale, est par exemple leader dans la région pour la filière avicole. Depuis l’interdiction de l’importation de poulets au Sénégal il y a cinq ans, l’entreprise a pris le contrôle de toute la production, de la ponte en passant par l’élevage jusqu’à la transformation. Les besoins les plus élevés portent alors sur des techniciens avec des compétences élevées : ingénieurs agricoles, agronomes, généticiens…
Mais le Sénégal ne dispose pas encore de formations au niveau des standards d’usines et de laboratoires. Sedima a alors créé son propre centre et travaille avec le gouvernement pour créer des ponts avec les écoles. De son côté, Sup de Co Dakar a créé une nouvelle filière. « Nous avons inclus l’entrepreneuriat rural dans nos formations en ouvrant notamment un bachelor en agro-business sur la région nord du Sénégal », note Yasmine Sy Sar, directrice du développement stratégique et qualité de l’école de commerce. Elle encourage les jeunes à rivaliser avec les grands groupes.
Pétrole : débouché d’avenir ?
Le pays investit également dans le secteur des hydrocarbures après la découverte de gisements de pétrole et de gaz à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie. Des entreprises canadiennes, américaines, françaises et australiennes souhaitent s’installer. « Les groupes internationaux y vont avec engouement. De nombreuses opportunités sont à saisir », lance Deffa Ka de Fed Africa. Présent depuis 70 ans sur la partie marketing/distribution, Total a notamment ouvert une filiale d’exploration avec des besoins de fonctions opérationnelles et de management. « Ce sont des recrutements de masse. Selon le pays, entre 700 et 1000 personnes travaillent généralement en rotation sur ce type de plateformes », précise la manager. Le gouvernement met alors les bouchées doubles sur la formation. Un institut national du pétrole a été lancé pour former à ces métiers. Mais le temps que la branche se développe, le Sénégal, encore vierge dans ce domaine, devra chercher de la main d’œuvre au Ghana ou au Congo, des pays très avancés sur l’exploration de cette ressource. « Le potentiel local sera tout de même privilégié pour les recrutements à venir », nuance la manager.
>> LIRE AUSSI : Emploi : 3 questions à Stéphanie Déchelette, DRH adjointe de Colas
Quelques niches en plein essor
Si le développement de nouveaux moteurs autour de l’agriculture, l’industrie minière, les infrastructures et l’énergie dynamisent le marché, les filières traditionnelles comme la banque, le tourisme ou la grande distribution avec Auchan restent toujours attractives à Dakar. Tout comme celui des télécommunications qui opère un virage avec l’arrivée de start-up. Les experts IT, émanant surtout de la diaspora, s’intéressent aux projets de cette nouvelle économie numérique. La « start-up nation » est aussi en marche au Sénégal.