Une enquête menée par un sociologue sénégalais dans quatre pays africains montre que les universitaires expatriés contribuent peu et inégalement au développement du continent.
Le débat sur la contribution de la diaspora au continent africain est loin d’être clos. Alors que le Fonds monétaire international (FMI) a récemment estimé que 34 millions de subsahariens vivront à l’étranger d’ici 2050, la question fait également débat au Maghreb, notamment en Tunisie, où la tendance s’accélère depuis la chute du président Ben Ali en 2011. Pour certains, ces départs sont considérés comme une fuite à travers laquelle les nouveaux expatriés finiront par se détourner de leur pays d’origine. D’autres préfèrent parler de circulation des cerveaux, voulant croire à un phénomène qui finira par bénéficier un jour ou l’autre au développement du continent.
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Le secteur de l’enseignement supérieur n’est pas épargné par le débat. C’est dans ce contexte que le sociologue sénégalais Abdoulaye Gueye s’est intéressé à « l’engagement des universitaires africains expatriés dans l’enseignement supérieur en Afrique ». Sa recherche vient d’être publiée dans la Revue d’anthropologie des connaissances. Menée auprès d’une centaine d’enseignants en Afrique du Sud, au Ghana, au Niger et au Nigeria, elle conclut que les enseignants-chercheurs expatriés participent effectivement au développement du secteur mais que leurs contributions ne profitent pas à tout le monde.
Des contributions intéressées…
Quand ils décident d’offrir leurs services, les enseignants expatriés le font à conditions d’en retirer un bénéfice pour eux-mêmes. Très peu matérielles, encore moins financières, ces contributions sont d’abord intellectuelles. D’après le chercheur, elles se traduisent principalement par de la co-publication d’articles scientifiques ou de la contribution à un ouvrage collectif.
Les collègues dotés d’un pouvoir administratif et d’un rang supérieur sont plus nombreux à bénéficier des ressources en provenance de la diaspora […] »
Au sein des couches les plus élevées de la hiérarchie académique, on préfère l’entraide dans l’objectif d’une promotion professionnelle. Elle prend la forme de lectures à titre gracieux de textes avant publication ou de rédaction de lettre de recommandation.
…inégales…
Selon Abdoulaye Gueye, la solidarité entre enseignants-chercheurs s’opère à tous les niveaux. Mais celle qui intervient le plus régulièrement reste celle qui s’exprime entre les membres de l’élite. « Les collègues dotés d’un pouvoir administratif et d’un rang supérieur sont plus nombreux que de rang inférieur à bénéficier des ressources en provenance de la diaspora qui sont les plus susceptibles de promouvoir leur carrière », écrit le sociologue.
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En d’autres termes, sur le continent africain, les professeurs titulaires occupants des postes de direction de département, d’institut ou de centre, ont plus de chance de recevoir un coup de main bénéfique pour leur carrière de la part de collègues expatriés, que les professeurs assistant n’occupant aucun poste à responsabilité.
…et rares
En plus d’être inégales, les contributions vers le continent africains sont aussi très rares. En dix ans, les 102 enseignants-chercheurs interrogés n’ont répertorié que 134 initiatives émanant de leurs collègues expatriés. Sur ce volume, seul 18 ont concerné des dons matériels.