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Faculté de médecine de Djibouti : « En début de carrière, un médecin peut gagner 300 000 francs djiboutiens »

Depuis 2007, Djiboutiens et Tunisiens travaillent main dans la main au développement d’une faculté de médecine à Djibouti. Cette dernière a diplômé sa première cohorte en 2015. Les détails avec son doyen, Ali Barreh Matan.

Par - à Djibouti
Mis à jour le 15 janvier 2019
Une étudiante de la faculté de médecine de Djibouti. L’établissement a livré sa première cohorte de diplômés en 2015. © DR/2018.

DR/2018.

Depuis 2007, Djiboutiens et Tunisiens travaillent main dans la main au développement d’une faculté de médecine à Djibouti. Cette dernière a diplômé sa première cohorte en 2015. Les détails avec son doyen, Ali Barreh Matan.

L’Université de Djibouti a ouvert en 2007 son école de médecine, dont la première cohorte est sortie diplômée début 2015. Devenu aujourd’hui une faculté à part entière, l’établissement, appuyé par la faculté de Sousse (Tunisie), forme chaque année une quarantaine de généralistes. Formé en France, le pneumologue Ali Barreh Matan en assure la direction depuis neuf ans. Rencontre.

Jeune Afrique : D’où est venu ce projet d’une faculté djiboutienne de médecine ?

Ali Barreh Matan : En 2005, le président a fait le constat que vingt-huit ans après l’indépendance, le pays n’avait pas assez de médecins : la coopération française était moins présente, et le numerus clausus en vigueur en France restreignait le nombre de médecins djiboutiens qui y étaient formés – et qui en outre ne rentraient pas toujours au pays une fois leur diplôme en poche. D’autres jeunes gens avaient été envoyés en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest, où même en Chine et à Cuba, qui a accueilli par deux fois des cohortes de 20 étudiants, mais les résultats étaient décevants. En outre, des médecins qui avaient eu des formations aussi différentes peinaient parfois à travailler ensemble, d’où la décision d’harmoniser tout ça.


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Comment le partenariat avec la Tunisie s’articule-t-il ?

C’est l’OMS qui a servi d’intermédiaire et nous a mis en relation avec la Tunisie qui appuie nos cadres administratifs, accueille dans ses quatre Centres hospitaliers universitaires (CHU) nos étudiants pour une grande partie de leurs stages d’internat et nous envoie des enseignants. Nous avons ainsi un gynécologue tunisien qui reste à l’année à Djibouti, six médecins qui viennent sept mois durant pour encadrer les stagiaires dans les différents services hospitaliers et 56 professeurs qui effectuent au cours de l’année des missions courtes, de deux semaines en moyenne, pour délivrer les 40 heures du module de cours qui correspond à leur matière.

Les promotions sont très mixtes. »

Comment sélectionnez-vous vos étudiants ?

Au début, c’était les notes du bac qui décidaient de l’admissibilité des jeunes. Mais depuis trois ans, nous avons instauré un concours ouvert aux bacheliers scientifiques. Pour la dernière promotion, 217 personnes se sont présentées au concours, 36 ont été admis.

Y a-t-il autant de femmes que d’hommes ?

Oui, les promotions sont très mixtes. D’une année sur l’autre, ce sont tantôt les filles, tantôt les garçons qui sont les plus nombreux.


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Concrètement, comment se passe la formation pour les jeunes Djiboutiens ?

Le taux d’échec est très faible : nous enregistrons 80 % de réussite la première année, et accordons le droit à un redoublement. Il n’y a donc qu’une minorité d’étudiants qui abandonne.

Les sept premières années d’étude se passent ici, puis ils sont répartis dans les quatre CHU tunisiens pour quatre stages d’internat de quatre mois. Les deux autres stages d’internat se font à Djibouti : le premier est celui de gynécologie obstétrique, car notre hôpital est en mesure de les accueillir et le professeur tunisien qui les encadre reste à l’année, et le dernier est un stage de médecine communautaire dans un centre de santé.

Être diplômé de médecine est une vraie bonne situation. »

Et l’entrée dans la vie active ?

Après leur thèse, c’est aux jeunes diplômés de chercher un travail, auprès du ministère de la Santé, qui gère les centres de santé, de l’hôpital militaire djibouto-soudanais, des services de santé de la police ou encore de la Caisse nationale de sécurité sociale, qui a un gros centre médical mais ne propose pas encore de lits hospitaliers. Dans tous les cas, être diplômé de médecine est une vraie bonne situation : on trouve du travail tout de suite et le salaire de base en début de carrière tourne autour de 300 000 francs djiboutiens par mois [1 470 euros, alors que le revenu moyen par habitant à Djibouti était en 2017 de 1 880 dollars pour l’ensemble de l’année, selon la Banque mondiale, Ndlr]. Quant à ceux qui souhaitent se spécialiser, ils le font au Mali, au Sénégal ou au Maroc.


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Le diplôme de la faculté de médecine de Djibouti est-il reconnu à l’international ?

Non. Pour l’instant, il s’agit exclusivement d’un diplôme national.

Quel objectif poursuivez-vous ?

Nous aimerions que nos médecins spécialistes s’engagent dans une carrière hospitalo-universitaire pour remplacer progressivement les médecins tunisiens dans l’enseignement. Mais ce ne sera possible que quand ils seront assez nombreux. Ceux qui sont actuellement en activité ont beaucoup trop de travail pour pouvoir consacrer du temps à des cours.