En mars 2019, une cinquantaine de professionnels du monde de la santé issus de cinq pays d’Afrique francophone intégreront le tout premier master international sur la santé numérique à l’École supérieure africaine des TIC (Esatic).
À l’Orange Fab d’Abidjan, le Docteur Franck Mansour Adeoti a deux mois d’avance. Alors que le Master international sur la santé numérique en Afrique (Misna) doit ouvrir ses portes en mars dans les locaux de l’École supérieure africaine des technologies de l’information et de la communication (Esatic), le médecin-enseignant n’a pu s’empêcher de donner un cours magistral à l’occasion de son lancement. Pointeur laser rouge en main et Powerpoint à l’appui, le docteur n’y va pas par quatre chemins. « Nous avons un système de santé défaillant au niveau institutionnel et organisationnel. En Afrique, en allant à l’hôpital, nous avons une chance sur deux de choper une maladie ou un événement indésirable grave et ce n’est pas normal, amorce-t-il. Une simple vaccination BCG qu’on fait à tous nos enfants à la naissance peut entraîner un déchaussement de l’épaule parce qu’on n’a pas respecté le protocole. »
De ce constat est née la volonté pour l’État ivoirien de développer la santé et ce, grâce au numérique, « pour être plus précis, plus efficace », souligne Simplice Dagnan, directeur général de la Santé et de l’Hygiène publique. Cette formation professionnalisante, encouragée par les instances régionales et internationales, vise donc tous les acteurs, de près ou de loin, du monde médical : infirmiers, pharmaciens, sages-femmes mais aussi informaticiens, juristes, sociologues, ou encore anthropologues.
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Rayonnement francophone
La première promotion sera constituée d’une cinquantaine d’élèves. Ils viendront essentiellement de Côte d’Ivoire mais aussi de quatre autres pays francophones : la RDC, le Togo, le Burkina Faso et le Niger. Lors de cette formation en deux ans, les étudiants sélectionnés sur dossier et entretien assisteront à des cours collectifs à Abidjan deux semaines par semestre.
Ils viennent ici pour avoir une couche de e-santé, afin de mieux impacter leur structure ».
Le reste de la formation sera effectué en ligne grâce à des cours en téléconférences et e-learning, « pour qu’ils ne quittent pas leur structure », insiste le Docteur. « L’idée c’est vraiment de former en priorité les BBC, les « Born Before Computer », qui ne maîtrisent pas bien tous ces outils ». La formation se terminera par un stage de quatre à six mois « idéalement en Europe ou en Amérique. »
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Former des gestionnaires de projets
En deux ans, les élèves devront acquérir de nombreuses compétences : « Ils viennent ici pour avoir une couche de e-santé, afin de mieux impacter leur structure. Ils seront avant tout formés à être des gestionnaires de projet et deviendront des acteurs incontournables dans tous les écosystèmes où ils évolueront », espère Mansour. De compétences cruciale dans un pays où l’espérance de vie n’était que de 54 ans en moyenne en 2015, soit la cinquième plus faible dans le monde.
Le principal manque, c’est les ressources humaines ».
Nouveaux métiers et manque de compétences
À terme, les apprenants pourront, en plus de leur métier, devenir concepteurs ou managers de projets de e-santé. Et nul doute qu’ils seront courtisés : « Nous sommes 50 par promotion mais les besoins en ressources humaines en Côte d’Ivoire sont de 1 000 à 1 500 personnes à former chaque année ». De quoi inciter le sociologue Alain Toh, membre du panel d’intervenants en à inviter « les écoles de médecine et d’infirmiers à faire de la e-santé une unité d’enseignement. »
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Et les experts de la santé numérique insistent sur un point : « La Côte d’Ivoire ne part pas de zéro. Plusieurs centres de santé innovent actuellement. Les opérateurs privés développent des solutions pour les cliniques, des applications mobiles comme le carnet de vaccination électronique ou la banque de sang en ligne », indique Modibo Samaké, conseiller technique au ministère de l’Économie Numérique et de la Poste. Le principal manque, c’est les ressources humaines ».
À les écouter, la e-santé ouvre le champ des possibles. « De nouveaux métiers vont se développer, assure Issouf Fofana, expert-formateur. Il faut que tous ces acteurs se rapprochent des professionnels de la santé pour voir comment ils peuvent développer le secteur. C’est certain qu’il y a de l’argent à prendre. D’ailleurs, je cherche une pharmacie de garde mais je ne sais jamais où aller. Aucune application ne me l’indique. » À bon entendeur.