De nombreux cadres et entrepreneurs issus de la diaspora sénégalaise projettent de retourner dans leur pays d’origine. Mais le manque d’accompagnement reste un frein majeur pour concrétiser cette envie.
Depuis quelques années, l’Afrique connaît un phénomène inédit de migrations de retours. Des personnes de tous âges, ayant grandi en Europe ou fait leurs études en Amérique du Nord, choisissent de tenter leur chance dans leur pays d’origine. Contrairement à la génération précédente qui a migré du Sud vers le Nord pour trouver un nouvel eldorado économique, ces diplômés issus de la diaspora empruntent le chemin inverse. Ils posent leur valise sur le continent africain pour faire carrière ou monter leur entreprise.
Avec une diaspora estimée à plus de 585 000 personnes en 2015 selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), le Sénégal n’échappe pas à cette tendance. Présente essentiellement en Europe, en Afrique et en Amérique du Nord, cette diaspora est composée de cadres dirigeants, d’entrepreneurs et d’investisseurs qui tissent des liens économiques entre le Sénégal et leur pays de résidence.
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Contribuer au développement économique
Leur principale motivation : prendre part au développement économique du pays, comme Dieneba Gandega. D’origine sénégalaise et malienne, cette expert-comptable parisienne de 40 ans envisage de poursuivre sa carrière au Sénégal. « Je veux contribuer à la continuité du développement économique. C’est quelque chose qui me tient à cœur depuis des années. Je ne prétends pas révolutionner quoique ce soit car le pays n’a pas attendu les expatriés pour se développer. Mais je peux apporter une connaissance technique que j’ai acquise en France », explique avec modestie cette cadre.
J’avais besoin d’autres perspectives professionnelles. Et c’était naturel de concrétiser cette envie au Sénégal. »
Pour d’autres, l’idée du retour n’était pas aussi évidente. « Il y a cinq ou six ans, je ne m’imaginais pas lancer un projet de société de traitement de déchets au Sénégal », raconte Fama Niang, fondatrice du label de musique Sawnd. Née à Dakar et issue d’une famille nombreuse, elle a quitté le Sénégal pour la France lorsqu’elle était enfant avec ses frères et sœurs. « Mais notre père a toujours voulu que nous retournions au Sénégal après nos études pour transmettre le savoir acquis en France », précise la jeune femme. Les années passent, et Fama adopte le mode de vie et la culture française. Le projet du retour s’éloigne alors. « Les enfants grandissent. Ils ont leur vécu et leurs codes. À force, on devient français », poursuit-elle. Il y a deux ans, l’envie de retourner au pays refait surface. « J’avais besoin d’autres perspectives professionnelles. Et c’était naturel de concrétiser cette envie au Sénégal. »
Un contexte politique favorable
L’embellie économique encourage également l’ancienne directrice artistique à opérer ce retour aux sources. « Le champ des possibles est énorme. Il y a un vrai dynamisme à Dakar notamment dans le domaine des infrastructures, avec une amélioration de l’état des routes. J’observe aussi un vrai appétit pour le milieu culturel avec l’organisation de nombreux événements comme la Biennale de Dakar qui a été célébré l’année dernière dans chaque région du Sénégal, ou encore pour le numérique », s’enthousiasme Fama Niang.
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Porté par le président Macky Sall depuis 2014, le Plan Sénégal Émergent, dont la deuxième phase vient d’être lancé, est en partie à l’origine de ce renouveau. Le PSE vise à conduire le Sénégal sur la voie de l’émergence d’ici 2035 à travers de nombreux chantiers.
Si la situation est meilleure pour les personnes issues de la diaspora, elle reste très perfectible. »
Certains membres de la diaspora notent une réelle évolution des mentalités par rapport aux années précédentes. « Après mes études, j’avais effectué beaucoup de démarches pour rentrer au Sénégal. Mais elles n’ont jamais abouti car on considérait que j’étais trop diplômé au regard des responsabilités confiées », témoigne Ousmane Sall, directeur de développement de la zone Afrique, Maghreb et Moyen-Orient d’EDF International Networks.
Des freins administratifs
« Si la situation est meilleure pour les personnes issues de la diaspora, elle reste très perfectible », nuance ce cadre de 54 ans. Les personnes interrogées pointent du doigt une certaine lenteur administrative et un manque d’accompagnement pour faciliter leurs démarches. Le réseau reste alors le meilleur allié pour se faire une place.
Un éventuel retour doit favoriser l’initiative privée. »
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Fort de ses connexions dans son milieu professionnel, Ousmane Sall n’a pas eu de difficultés à rencontrer les bons interlocuteurs lorsqu’il a envisagé de travailler dans le domaine du traitement et de valorisation des ordures ménagères. Mais il regrette le manque de passage à l’acte suite aux engagements verbaux. « Il faudrait aller plus loin dans la fédération des partenaires internes et externes au Sénégal, et notamment concernant les levées de fonds. Un éventuel retour doit favoriser l’initiative privée. » La diaspora sénégalaise représente un potentiel additionnel pour la contribution économique. L’amélioration de ces dispositifs doit alors devenir une priorité.