Après deux ans de travail, le Conseil supérieur marocain de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) rend un rapport amer consacré à la formation professionnelle dans le royaume.
Après le Haut-commissariat au plan (HCP) en mai 2018 et la Cour des comptes en août de la même année, c’est au tour du Conseil supérieur marocain de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) de rendre un rapport consacré à l’enseignement et la formation professionnelle. Comme un énième constat d’échec, il pointe le manque de vision et de stratégie claire au sein d’un secteur que le roi Mohammed VI a appelé à réformer en priorité.
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Qualité à revoir
Au-delà d’un manque de définition stratégie et d’une défaillance de gouvernance, les experts du CSEFRS dressent le portrait d’une offre de formation professionnelle obsolète car encadrée par un dispositif législatif et institutionnel trentenaire, qui ne colle plus aux réalités socio-économiques du pays.
Au fil des années, le secteur de la formation professionnelle est ainsi parvenu à accueillir un nombre exponentiel de stagiaire : « En 2017-2018, 494 472 participants se sont inscrits aux concours d’accès organisés dans le secteur public de la formation professionnelle. Le nombre de places proposées par les établissements de formation est de 343 255 », indique le rapport qui préconise l’augmentation de la capacité d’accueil sans pour autant donner des pistes pour y parvenir.
66 % des établissements privés de formation professionnelle marocains ne sont pas accrédités.
Bien qu’il stagne depuis 2009, le nombre de stagiaires formés a triplé en dix ans, passant de 133 000 en 2000 à 433 000 en 2018. Mais la tendance n’a pas été accompagnée de réformes des modes d’enseignement et d’études des besoins du tissu entrepreneurial. Résultat, neuf mois après leur diplôme, les stagiaires marocains sont confrontés à un taux d’insertion professionnelle qui plafonne à 62,9 % en 2015.
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De plus, selon les experts, le profil des formateurs – trop jeunes, pas assez qualifiés et rarement mis à niveau – est aussi à revoir. Enfin, un besoin de contrôle se fait sentir du côté des acteurs privés dont l’offre est restée « stagnante et limitée aux secteurs demande le moins d’investissements », explique le rapport. Pire, 66 % des établissements privés de formation professionnelle marocains ne sont pas accrédités par une Commission nationale sectorielle de la formation professionnelle privée (CNSFPP).
À termes, le CSEFRS souhaiteraient que l’alternance soit proposée dans tous les cursus à visée professionnelle dès l’enseignement secondaire.
Le mode unique de l’alternance
Les trop nombreux modes d’enseignement sont eux aussi pointés du doigt. Afin de les normaliser, de simplifier l’offre et d’améliorer les conditions d’accueil des stagiaires, les experts du CSEFRS préconisent de « mettre fin à la multiplicité des modes de formation (résidentiel, alterné ou par apprentissage) » et de privilégier le seul mode de l’alternance.
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Mais d’après les experts cette dernière doit être repensée car elle souffre d’une « faible implication des professionnels en raison de leur faible motivation ». Le rapport conseille d’améliorer l’encadrement des stagiaires dans l’entreprise en mettant en place un dispositif d’évaluation de la qualité du suivi professionnel et des mesures incitatives aux recrutements de stagiaires. À termes, le CSEFRS souhaiteraient que l’alternance soit proposée dans tous les cursus à visée professionnelle dès l’enseignement secondaire.
Visibilité dans le système éducatif
Dans le même temps, les auteurs du rapport insistent sur la nécessité de redorer le blason de la formation professionnelle afin qu’elle séduise plus de candidats. Le CSEFRS invite ainsi à « une plus grande fluidité de passage entre les cycles et les niveaux », à « une meilleure visibilité des cheminements possibles au sein du système éducatif », à « des possibilités d’orientation et de réorientation pour répondre autant que faire se peut aux prédispositions des élèves » ainsi qu’à « une meilleure préparation professionnelle en prévision de l’accès à la vie active ». Une préconisation complémentaire à celle de la Cour des comptes, qui préconisait en août une plus grande implication des universités dans la formation professionnelle.
L’OFPPT en quête de qualité
En écho à ce constat, la directrice générale de l’Office national de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), Loubna Tricha, a réitéré lors d’une intervention au Forum TelQuel, organisé à Casablanca le 29 avril dernier, son désir de prioriser la qualité des formations dispensées par l’organisme public dont le budget, chiffré à près de 2,5 milliards de dirhams en 2016 (environ 229 733 000 actuellement), n’a cessé d’augmenter depuis quinze ans.