Courtisé par les recruteurs africains mais peu accompagnés dans leur projet, les profils de la diaspora possèdent leur propre points forts ainsi que des faiblesses. Éclairage avec Fanta Traoré, recruteuse panafricaine et organisatrice d’un forum annuel dédié aux diasporas à Paris.
Malgré quelques initiatives ponctuelles, les politiques d’incitation pour favoriser le retour de la diaspora africaine sont encore trop faibles sur le continent. Dotée d’une double culture, cette main d’œuvre est pourtant très appréciée par les entreprises locales. Éclairage avec Fanta Traoré, directrice du cabinet de recrutement et de RH Empower Talents and Careers, et organisatrice du forum African Dream, qui s’est tenu les 29 et 30 octobre à Paris.
Que mettent en place les gouvernements des pays africains pour l’accueil des candidats au retour ?
Malheureusement, peu de choses sont à l’œuvre. Il existe des guichets uniques dans les pays d’Afrique centrale et de l’Ouest. Nous avons également des ministères dédiés comme celui pour les Ivoiriens ou les Maliens de l’extérieur. Mais ce n’est pas suffisant. Les gouvernements sont encore trop timides en matière de partenariat avec la diaspora africaine, qui est pourtant le premier bailleur de fonds pour le continent. Les politiques restent sporadiques. Les actions sont ponctuelles et souvent liées aux élections.
Quelles seraient les solutions pour pallier ce manque ?
Il faudrait mettre en place de véritables points focaux dans les pays d’origine et d’accueil. Créer un pont entre la France et le continent africain. Les directions générales des ministères de l’extérieur devraient par exemple avoir des antennes sur place vers lesquelles les candidats de la diaspora pourraient se tourner pour des questions pratiques, notamment sur le logement, la création d’entreprise, l’envoi d’argent aux familles. Car aujourd’hui, si je suis un étudiant originaire du Cameroun vivant en France, je peux obtenir des informations uniquement auprès de l’ambassade et du consulat. Je n’ai pas d’autres relais.
La plupart recherche davantage un emploi pour se réinsérer dans le marché du travail de leur pays d’origine que de créer une entreprise.
Quels sont les points faibles des profils de la diaspora ?
Les candidats arrivent souvent avec des préjugés sur le niveau de vie, la sécurité et la santé. Ils ont une appréhension vis-à-vis de l’environnement politique et socio-économique. Il est actuellement plus difficile d’attirer un profil vers le Mali, le Congo, le Tchad ou encore le Cameroun, en raison de problèmes liés à la bonne gouvernance de ces pays. D’autres pays sont plus attractifs comme la Côte d’Ivoire, le Maroc ou le Kenya. En choisissant de s’expatrier, les candidats doivent également être prêts à faire des concessions. Alors qu’ils sont transigeant sur le salaire ou les frais de scolarité des enfants lorsqu’ils sont en famille, ils le sont moins pour des questions d’assurance-maladie ou de logement.
Pour quelles raisons veulent-ils s’expatrier généralement ?
La plupart recherche davantage un emploi pour se réinsérer dans le marché du travail de leur pays d’origine que de créer une entreprise. Difficile à dire dans quelle mesure car nous n’avons pas de statistiques sur la diaspora. C’est un autre point faible. À l’échelle de notre cabinet de recrutement, nous avons 70 % de profils locaux et 30 % de profils diaspora. Sur ce pourcentage, 70 % sont dans les métiers techniques (génie civil, bâtiment…) et 30 % occupent des postes dans les métiers de support (RH, technico-commerciaux).
Les cadres de la diaspora sont appréciés car ils possèdent une bonne capacité d’adaptation liée à leur double culture.
Pourquoi ces profils intéressent les entreprises africaines ?
Les cadres de la diaspora sont appréciés car ils possèdent une bonne capacité d’adaptation liée à leur double culture. Ces candidats connaissent à la fois l’environnement local et les codes du travail dans les pays développés (structuration des affaires et du business). Les entreprises, que ce soit des PME ou des multinationales, recrutent en ce moment ces profils dans des secteurs comme l’ingénierie du bâtiment et des routes, les nouvelles technologies (développement informatique, programmation) et la finance. Le domaine du développement durable commence également à avoir besoin de technico-commerciaux, notamment pour les nouvelles méthodes de production agricole, la pérennisation des cultures, comme le chocolat ou la noix de cajou, mais aussi le développement d’énergies renouvelables.