[Classement] Les 500 premières entreprises africaines dans l’antichambre de la crise

Les groupes leaders du continent ont globalement vu leur activité marquer le pas en 2018. Un bilan qui devrait se creuser face à la crise actuelle.

Le siège social de Sonatrach, à Alger. © Lindsay Mackenzie/Redux-REA

Le siège social de Sonatrach, à Alger. © Lindsay Mackenzie/Redux-REA

Publié le 22 juillet 2020 Lecture : 6 minutes.

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Les 500 premières entreprises africaines face à la crise

Confrontées à une récession inédite liée à la crise sanitaire, les plus grandes entreprises africaines révisent leurs stratégies. Si certaines risquent la faillite, d’autres ont déjà identifié des opportunités de croissance. JA explore ces tendances dans le cadre de la publication de son classement annuel des 500 premières entreprises du continent.

Sommaire

C’est dans un contexte proprement extraordinaire, celui de la crise mondiale du coronavirus, que Jeune Afrique publie cette année son classement des 500 premières entreprises africaines. L’effet dépressif de cette pandémie sur l’activité des sociétés pour 2020 et au-delà reste encore inconnu.

Selon les estimations de la Banque africaine de développement (BAD) datant de mai, la crise liée au Covid-19 pourrait se traduire en 2020 par une chute de 0,7 % à 2,8 % du PIB continental. Il s’agit d’une première depuis la récession de 1992, avec des impacts désastreux attendus, notamment sur les pays et entreprises exposés au cours des hydrocarbures qui se sont effondrés.

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Pour mesurer toute l’ampleur de la crise, il faudra attendre notre classement de 2022, listant les comptes de 2020. Le palmarès que nous publions porte, pour rappel, sur les comptes de 2018. Il doit être pris pour ce qu’il est, à savoir une photographie, en situation économique « ordinaire », des grandes entreprises africaines, dix-huit mois avant le déclenchement d’une crise centennale.

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Contre-performance des entreprises sud-africaines

Ce Top 500 est marqué par une légère baisse du chiffre d’affaires 2018 des entreprises, exprimé en dollars. Après le contre-choc pétrolier de 2015 et 2016 et les crises monétaires qui s’en étaient suivies au Nigeria et en Égypte notamment, les 500 étaient reparties nettement de l’avant en 2017.

Ce qu’avait traduit un bond de 12,1 % des facturations de notre dernier Top 500. Pour cette édition, ce cumul baisse de 2,55 %, en dépit d’un contexte plutôt favorable sur la période. La croissance du PIB continental en 2018 s’est en effet établie à 3,5 % (niveau quasi identique à celui de 2017) selon la Banque africaine de développement, un rythme qui s’est poursuivi en 2019 (+ 3,4 %).

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Quid alors du léger recul de ce Top 500 ? Il s’explique, pour l’essentiel, par la contre-performance des entreprises sud-africaines. Celles-ci pèsent d’un poids écrasant, 51,8 % en valeur, dans le classement, mais leur chiffre d’affaires global y chute de 12,7 % (soit 47 milliards de dollars), en bonne partie sous l’effet monétaire.

Le rand, en 2018, s’est déprécié d’environ 15 % vis-à-vis du dollar. Illustration : le géant des télécoms MTN (7e place), dont les revenus en monnaie nationale ont bondi de 6 % en 2018, voit ceux-ci, convertis en dollars, plonger de 13,1 % dans le Top 500.

Top 500 Jeune Afrique (1/2)

Top 500 Jeune Afrique (1/2)

Sonatrach alors en tête de lice

Hors affaiblissement sud-africain, ce Top 500 connaît une hausse des chiffres d’affaires globaux, que ce soit au niveau des palmarès régionaux ou sectoriels (non publiés cette année). Ainsi, en Afrique du Nord, ­deuxième région du continent (voir carte ci-après) par son poids dans le classement, l’activité des 150 premières entreprises progresse de 14,6 %, totalisant 175 milliards de dollars de revenus.

Cela découle notamment du redressement des cours du baril en 2018 (64,80 dollars en moyenne annuelle pour le WTI, contre 50,90 dollars en 2017, selon la Banque mondiale). Le groupe algérien Sonatrach, qui reste de loin notre champion toutes catégories, a vu son activité exprimée en billets verts bondir de 45 % !

À noter, par ailleurs, que la plupart des entreprises égyptiennes, à l’image d’Egyptair (87e, soit un bond de 35 places), voient leur rang progresser, illustrant une forme de normalisation dans le pays d’Abdel Fattah al-Sissi après les désordres monétaires puis inflationnistes de 2016-2017.

L’Égypte, pour rappel, a enregistré une croissance de 5,6 % sur son exercice fiscal 2018-2019. De son côté, le Maroc demeure, après l’Afrique du Sud, le pays à placer le plus grand nombre d’entreprises (61), pesant 8,7 % du total du Top 500. Son champion, le groupe OCP (14e), progresse de onze places à la faveur d’un fort dynamisme commercial, notamment sur les engrais composés.

Bilan mitigé en Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest demeure la troisième région en nombre d’entreprises et en chiffre d’affaires. Mais ses entreprises s’affichent en petite forme. Les 150 premiers groupes régionaux voient leurs facturations progresser de seulement 3 %.

En dépit du prix de l’or noir, qui profite à des entreprises comme Oando (76e, + 27 places), le contexte régional est resté marqué par l’atonie de la croissance du Nigeria. Le géant présidé par Muhammadu Buhari n’aura affiché que 1,8 % de croissance en 2018. Une médiocre performance que le dynamisme, cette même année, des PIB du Ghana (+ 6,3 %) ou de la Côte d’Ivoire (+ 7,4 %) n’aura pas suffi à contrebalancer.

Bénéficiant de la reprise de 2018 des cours de l’or noir, les compagnies pétrolières ghanéennes, à l’image de la filiale locale de Tullow Oil (103, + 12 places), tirent toutefois leur épingle du jeu dans notre Top 500. À l’inverse, les cours en berne de certaines matières premières agricoles ont eu un impact notable sur des entreprises telles que l’ivoirienne Sifca (173e, – 30 places), plombée par les prix du caoutchouc et de l’huile de palme.

De l’autre côté du continent, les groupes d’Afrique de l’Est continuent à prendre du poids dans notre classement. Les facturations des 150 premières entreprises de la région ont connu une hausse de 12,3 %, à 27,2 milliards de dollars. En témoigne le bond spectaculaire du leader de l’aérien Ethiopian Airlines (28e), qui gagne 24 places depuis l’édition précédente. Également en forme, le kényan Safaricom (59e) grimpe de cinq rangs.

Top 500 Jeune Afrique (2/2)

Top 500 Jeune Afrique (2/2)

En 2018, le pétrole porte les plus performantes

Pour clore ce panorama continental, si l’Afrique centrale demeure la région qui place le moins d’entreprises dans ce Top 500, elle fait mieux que l’an dernier, avec trois entreprises de plus, soit 26 au total. Les 70 principaux groupes de la région voient même leur chiffre d’affaires bondir de 22 %, à 16,3 milliards de dollars, essentiellement en raison de l’effet pétrole.

Au Cameroun, la Société nationale des hydrocarbures (SNH, 89e) progresse de 22 places. Dans le secteur du manganèse, assez bien orienté, la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), deuxième entreprise de la région, se hisse au 109e rang de notre classement (+ 9).

Enfin, sur le plan général, cette édition est marquée par un recul en matière de profitabilité. La marge nette moyenne des 401 entreprises du Top 500 pour lesquelles nous disposons de données (ce qui exclut, par exemple, les holdings familiaux tels que Dangote) se chiffre à 7,3 %, contre 8,4 % lors de l’édition précédente.

La rentabilité des 100 entreprises les plus performantes s’affiche, elle, à 27,4 %. Un résultat très proche des 27,5 % de l’édition 2019. Le champion des profits est cette année le sud-africain Naspers (210,3 %) en raison d’une forte plus-value réalisée lors de la cession d’actions du chinois Tencent. Même en période de croissance molle, certains gardent les poches pleines.

Méthodologie : dans le secret des 500

Pour ce classement, nous avons adressé un questionnaire à plus de 14 000 entreprises et pu recueillir les éléments financiers d’environ 1 500 sociétés. Ces données nous ont permis de réaliser le palmarès des 500 entreprises africaines selon leur chiffre d’affaires de 2018.

Le Top 500 prend en compte les entreprises juridiquement présentes sur le continent, les holdings et leurs filiales. Tous les éléments financiers proviennent d’une source fiable, identifiable, ou sont certifiés pour les sociétés cotées.

Certains groupes comme Dangote, détenus par quelques actionnaires familiaux, n’établissent pas de comptes consolidés et sont donc absents du classement, tout comme les sociétés qui ne publient pas de comptes.

Les chiffres portent sur l’exercice clos à la fin de 2018 et sont convertis en dollars américains aux taux constatés le 31 décembre 2018. Pour les entreprises clôturant leurs comptes en cours d’année, la règle est la suivante: jusqu’au 31 mars 2019, les chiffres apparaissent en année 2018. Pour les autres, sont présentées les performances de l’année précédente.

Lorsque nous ne parvenons pas à obtenir les données, nous publions celles du classement précédent en l’indiquant. Au bout de deux ans d’absence de comptes vérifiables, la société disparaît du Top 500. P.O.R.

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