Fruits : Agrana croit ferme au « made in Algeria »
Le groupe autrichien, leader mondial de la transformation de fruits, veut être le chaînon manquant entre les cultivateurs et les producteurs de jus, de yaourts, de glaces et de pâtisseries.
L’Algérie doit-elle restreindre l’importation des dérivés des fruits qu’elle produit pour créer une industrie de transformation ? Le débat réapparaît régulièrement depuis cinq ans dans un contexte marqué par la hausse des récoltes d’oranges, d’abricots ou encore de pêches, et la chute concomitante des revenus d’exportation, surtout issus des hydrocarbures.
La facture des aliments importés a explosé en dix ans, affichant un record de 11 milliards de dollars en 2014 (8 milliards en 2019).
Au début de 2020, face au gaspillage d’oranges, le chef de l’État a menacé d’en interdire le concentré acheté par les fabricants de jus sur le marché mondial.
Une production nationale insuffisante
« Nous avons expliqué au ministère du Commerce que si nous, industriels, devions utiliser les oranges algériennes, nous nous trouverions hors compétition, tout en précisant qu’une année de production nationale ne nous permettrait de travailler que dix jours, car une infime quantité de nos oranges convient à l’industrie », relate Slim Othmani, vice-président de l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab).
Cependant, les fruits algériens ne sont pas ignorés. « Neuf opérateurs récupèrent des fruits pour réaliser une première transformation destinée à l’agroalimentaire, explique Ali Hamani, président de l’Apab. Mais cela reste en deçà de nos besoins. »
« Les purées de fruits locales sont partiellement utilisées dans les yaourts, les confitures ou les boissons, un secteur intégré à plus de 70 %, à l’exception du jus d’orange », complète Slim Othmani, convaincu que l’Algérie, comme le Brésil avec le concentré d’orange ou la Chine avec la pomme, pourrait devenir un grand transformateur d’abricots.
Congeler pour une transformation ultérieure
C’est néanmoins sur d’autres étapes qu’Agrana Fruit parie. Ce groupe autrichien, premier producteur international de concentrés de jus et de préparations à base de fruits pour les industriels de jus, de yaourts, de glaces et de pâtisseries (2,48 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 1,18 milliard pour sa division fruits et 26 millions en Afrique), a pris en 2018 49 % d’Elafruits, numéro un algérien des transformateurs.
Présent sur cinq continents avec 42 usines, notamment au Maroc, en Égypte et en Afrique du Sud, il a développé en Algérie la seule unité de préparations à base de fruits existant à ce jour. Il a aussi mis en place une filière de congélation des fruits destinés à ces préparations.
« Avant 2018, nous utilisions 100 % de fruits importés, rappelle Djemaa Boukheddami, directeur général d’Agrana Fruit Algeria. Le marché algérien était insuffisamment structuré, notamment du fait des intermédiaires, pour nous permettre d’être compétitifs en nous approvisionnant localement. »
Rétablir la confiance entre agriculteurs et industriels
Désormais, tous les agrumes et les pommes utilisés sont algériens, tout comme 50 % des abricots, des pêches et des fraises. Alors qu’elle importait ses mûres sauvages, l’entreprise a divisé leur coût par deux en les récoltant sur place cette année, couvrant des besoins de 100 tonnes (t).
Agrana Algeria a congelé 1 500 t de fruits en 2019. Pour ce faire, il a fallu convaincre les agriculteurs de respecter des normes qualité, notamment en évitant l’usage inapproprié de pesticides. Il a aussi fallu rétablir la confiance entre agriculteurs et industriels.
« En l’absence de carte agricole nationale, les agriculteurs plantent à l’aveugle, regrette Hacène Menouar, président de l’association El Amane pour la protection du consommateur. Résultat : en cas de pénurie ou d’abondance, ce sont soit les agriculteurs, soit les consommateurs qui gagnent, rarement les deux. »
Viser l’export
Désormais, Agrana Fruit Algeria garantit l’achat de fruits à prix fixe à ses partenaires pour une grande partie de leurs récoltes.
En trois ans, la société est passée de 2 000 à 10 000 t de solutions alimentaires produites. Elle compte pour 55 % de ce marché en Algérie, face aux produits importés, et pourrait atteindre 7 millions d’euros d’exportation en 2021, notamment en Tunisie et au Maroc.
Dans la congélation, « l’Algérie pourrait exporter pour plus de 100 millions d’euros dans deux ans en développant la filière, car les fruits surgelés pour l’industrie sont plus faciles à exporter que les fruits de bouche », assure Djemaa Boukheddami, qui souhaite que les excédents de surgelés soient expédiés dans d’autres usines du groupe pour y être transformés en solutions d’ici à trois ans.
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