Achille Mbembe : « La mémoire des luttes anticoloniales réveille des questions dérangeantes »

Pour l’historien et politologue camerounais, il n’y a rien à célébrer après soixante ans d’indépendance. Dans un entretien à Jeune Afrique, il appelle à « vaincre la tyrannie postcoloniale » et à « réenchanter l’Afrique ».

Achille Mbembe à Johannesburg, le 4 août 2020. © Marc Schoul pour JA

Achille Mbembe à Johannesburg, le 4 août 2020. © Marc Schoul pour JA

Clarisse FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 29 août 2020 Lecture : 21 minutes.

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[Série] 1960, l’année où l’Afrique s’est réveillée

En ce soixantième anniversaire de la décolonisation en Afrique subsaharienne, le cœur n’est pas à la fête. De cette émancipation en trompe-l’œil, qu’y a-t-il vraiment à célébrer ?

Sommaire

Franc-tireur impertinent ? Analyste avisé et lucide ? L’historien et politologue camerounais Achille Mbembe, 63 ans, est sans doute un peu des deux. Ce libre penseur qui vit en Afrique du Sud, où il enseigne à l’université du Witwatersrand (Johannesburg), peine à faire renouveler son passeport dans son pays depuis bientôt deux ans et ne peut se déplacer que grâce à un passeport diplomatique sénégalais.

Pour l’auteur de Critique de la raison nègre et de Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée, il n’y a rien à célébrer après soixante ans d’indépendance.

Jeune Afrique : Contrairement au cinquantenaire, ce soixantième anniversaire des indépendances passe inaperçu…

Achille Mbembe : Le plus frappant, cette année, c’est d’abord la crise sanitaire, qui, elle-même, est le symbole de l’impasse dans laquelle la civilisation techno-matérialiste aura mené l’humanité. C’est aussi la protestation mondiale qui a accompagné le meurtre de George Floyd, aux États-Unis.

Ces deux événements ont pour fond le désastre climatique imminent. L’enjeu final, celui qui nous interpelle tous, quelle que soit la région du monde à laquelle nous appartenons, c’est la survie de notre espèce sur Terre et, de manière plus générale, la continuité du vivant. Si, après la colonisation, l’Afrique était parvenue à se hisser à hauteur du monde, elle pèserait aujourd’hui d’un poids singulier sur ces bouleversements de portée planétaire.

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