Québec-Afrique : le business avant tout

Depuis 2019, la Belle Province a officiellement « une vision » pour le continent. Mais cette stratégie, plus économique que politique, reste encore à préciser.

Louise Mushikiwabo (OIF), et le Premier ministre québécois, François Legault, à Québec, le 11 juin 2019. © Emilie Nadeau

Louise Mushikiwabo (OIF), et le Premier ministre québécois, François Legault, à Québec, le 11 juin 2019. © Emilie Nadeau

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Publié le 14 septembre 2020 Lecture : 6 minutes.

Louise Mushikiwabo (OIF), et le Premier ministre québécois, François Legault, à Québec, le 11 juin 2019. © Emilie Nadeau
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Québec-Afrique : une diplomatie qui roule à l’économie

Aide au développement, échanges commerciaux ou universitaires, formations professionnelles… La Belle province redessine sa relation avec le continent, qui reste avant tout économique.

Sommaire

Les signes d’un intérêt soutenu du Québec pour l’Afrique sont de plus en plus nombreux et de plus en plus visibles ces dernières années. En particulier au niveau politique, avec une « vision » en cours de définition et la nomination d’un chargé de mission pour le continent auprès du Premier ministre québécois, François Legault.

Mais ils sont surtout économiques, à l’image des 45 missions commerciales organisées à travers le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest en 2019 ou de la présence, jusqu’alors rarissime, du continent lors de la 25e Conférence du Forum économique international des Amériques organisé à Montréal en juin de la même année.

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Invitée en tant que secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo avait profité de cette tribune pour rappeler que « l’Afrique [devait] cesser d’être un sujet de charité pour devenir un vrai partenaire ».

Le soft power comme instrument principal

Un discours parfaitement en phase avec les préoccupations affichées par Nadine Girault, ministre des Relations internationales, selon qui « le Québec veut faire évoluer son approche de l’Afrique pour passer d’une relation de coopération et de solidarité à une nouvelle phase de collaboration », économique en priorité.

Constitutionnellement parlant, la province n’a guère d’autre moyen d’action sur le plan international que son soft power, la diplomatie étant dévolue à l’État fédéral. Pour se faire entendre, le Québec privilégie comme porte-voix l’OIF – au budget de fonctionnement de laquelle les trois provinces canadiennes membres (le Québec, mais également le Nouveau-Brunswick et l’Ontario) participent pour un tiers, même si la défaite de Michaëlle Jean, en 2018, reste toujours considérée comme un camouflet du côté d’Ottawa.

À Québec, son remplacement par l’ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda a davantage souligné le poids pris par le continent ces dernières années. Et pas seulement au sein des institutions francophones.

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« L’Afrique est l’avenir du monde et de la francophonie. En 2050, 60 % des 500 millions de locuteurs francophones seront africains, a récemment rappelé Nadine Girault. Si le Québec souhaite conserver son influence sur la francophonie, il ne peut ignorer le continent, ses enjeux, ses défis mais aussi ses opportunités. »

La place essentielle de l’aide au développement

Première Québécoise d’origine haïtienne nommée aux Relations internationales, Nadine Girault gère également le portefeuille de la Francophonie, ainsi que celui de l’Immigration depuis juin 2019. Soit l’ensemble des principaux leviers utilisés par le Québec pour bâtir son action extérieure, en dehors du volet économique, toujours administré par le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI).

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L’aide au développement tient, depuis plus de cinquante ans, une place essentielle dans ce dispositif. Le gouvernement québécois met ainsi son expertise à disposition pour renforcer les capacités institutionnelles et démocratiques des gouvernements africains intéressés et reçoit chaque année d’importantes délégations en provenance du continent.

La province s’appuie également sur les institutions de la Francophonie, notamment en matière de formation policière. Depuis 2019, existe en outre le Fonds d’investissement solidaire international du Québec (Fisiq), qui a pour objectif de participer au financement de projets écoresponsables dans les pays du Sud, à commencer par ceux du continent.

« Nous élargissons ainsi les possibilités de financement des programmes de coopération technique dans lesquels nous intervenons déjà », explique Michèle Asselin, directrice générale de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (Aqoci), qui gère ce fonds.

Très investi sur les fronts de la jeunesse et de l’éducation, le Québec entend là aussi améliorer son offre, déjà très appréciée à travers le continent, comme l’illustrent les milliers d’Africains inscrits dans ses différentes universités.

Éducation et formation, des piliers de la « passerelle multisectorielle »

Le gouvernement vient pourtant d’envoyer un signal contradictoire en durcissant, le 22 juillet, les conditions d’accès des étudiants internationaux. Mais l’arrivée de Nadine Girault pourrait inverser cette tendance, jugée « contre-productive » par beaucoup dans une province qui compte depuis toujours sur son immigration pour pallier son manque chronique de bras et de cerveaux.

L’éducation et la formation professionnelle étant citées parmi les piliers de la future « passerelle multisectorielle » qu’espère la ministre par-delà l’Atlantique, ces secteurs devraient faire partie des programmes « réévalués » dans le cadre de la vision québécoise.

Nadine Girault a également promis que des consultations seraient menées sur le terrain pour mesurer la pertinence des actions de solidarité de son gouvernement en Afrique. Le tout avec, à terme, la mise en place d’un sommet Québec-Afrique alterné dont la périodicité reste à définir.

Mais c’est encore en matière économique que les ambitions québécoises se font le plus sentir. D’abord pour doper des échanges commerciaux qui, bien qu’ils soient en faveur du Québec pour la première fois depuis 2019, ronronnent ces dernières années.

Un focus sur quelques pays

Ensuite pour accompagner les entreprises québécoises, toujours plus nombreuses à lorgner un marché africain où beaucoup reste à faire. Rien qu’en 2019, les services du MEI ont soutenu et conseillé 125 entreprises, tous secteurs confondus, établis dans seize pays africains.

JA3092_p48 © Jeune Afrique

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Après avoir réorganisé ses services au début de cette année (lire ci-dessous), le ministère cherche dorénavant à améliorer la visibilité des mécanismes de soutien proposés par la province aux compagnies québécoises, notamment les PME, « en structurant une approche globale », précise Alain Carrier, chargé de l’Afrique au sein d’Investissement Québec (IQ).

En s’appuyant sur les trois représentations du Québec sur le continent, à Rabat, à Dakar et à Abidjan, IQ veut améliorer la prospection sur le terrain, répondre aux besoins constatés en matière de formation, faciliter les accès aux services et aux financements, « pour renforcer les relations existantes et en développer de nouvelles », reprend Alain Carrier.

Plutôt que d’investir tous azimuts, le Québec entend se concentrer sur quelques pays. La Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, l’Éthiopie, le Rwanda, ainsi que le Maghreb constituent donc des cibles de choix dans cette vision africaine, dont l’un des principaux objectifs consiste à assurer la diversification de l’économie provinciale et de ses opérateurs privés.

Un ministère en pleine mutation

Les institutions publiques québécoises chargées de soutenir le secteur privé et de favoriser l’investissement dans la Belle Province viennent de connaître une petite révolution. Le 18 juin, les équipes d’Export Québec, axées sur le soutien des entreprises à l’export, ont fusionné avec celles d’Investissement Québec (IQ), dorénavant seul interlocuteur du secteur privé.

L’objectif : mettre en œuvre les orientations du gouvernement en matière d’économie. À lui de déterminer les secteurs économiques prioritaires, d’offrir son expertise et d’apporter son appui aux projets économiques les plus stratégiques, notamment à l’extérieur.

En réorganisant les services au sein même du ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI), les autorités québécoises espèrent accélérer les investissements des entreprises québécoises, dans la province mais également en dehors, attirer davantage d’investissements directs étrangers (IDE) et enfin accroître et diversifier les exportations du Québec, notamment en direction de l’Afrique.

IQ devrait bientôt être rejoint par son équivalent international, IQI, pour renforcer son rôle en matière de prospection sur les marchés étrangers.

Il est également prévu que la présence mondiale de l’organisme s’étende. IQ compte aujourd’hui douze bureaux dans le monde (dont un tiers est situé aux États-Unis), mais encore aucun en Afrique. Une réalité qui pourrait rapidement changer si le gouvernement québécois veut avoir les moyens de ses ambitions sur le continent.

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