Algérie : le cas Drareni met sous pression les autorités
Très médiatisée, l’affaire du correspondant de l’ONG Reporters sans frontières Khaled Drareni suscite des tensions jusqu’au plus haut sommet de l’État. Au point que le président a évoqué le journaliste au cours d’une interview à la télévision nationale.
Ceux qui escomptaient un verdict clément pour Khaled Drareni auraient dû se souvenir du réquisitoire prononcé par le procureur à l’issue du procès qui s’est tenu lundi 3 août au tribunal d’Alger. Après avoir étrillé le journaliste, le représentant du parquet a réclamé quatre ans de prison ferme et quatre autres de privation de ses droits civiques.
Lundi 10 août, le verdict prononcé par la juge est presque conforme au réquisitoire. Jugé pour « incitation à un attroupement non armé et atteinte à l’intégrité du territoire national », Drareni, 40 ans, a écopé de trois ans de réclusion.
Choc et émotion
Sa condamnation provoque choc et émotion aussi bien chez les journalistes et au sein d’un collectif d’avocats qu’auprès de plusieurs ONG. À la prison de Koléa, à une trentaine de kilomètres à l’ouest d’Alger, où il est en détention provisoire depuis le 28 mars 2020, Drareni porte désormais le numéro d’écrou 22244.
Dossier vide, acharnement particulier ou encore poursuites infondées, les avocats sont vent debout pour dénoncer un acharnement contre ce journaliste qui est également le représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Algérie et qui collabore avec des médias français.
On n’est pas loin de l’accusation d’intelligence avec une puissance étrangère
Très actif sur les réseaux sociaux durant le mouvement de protestation du vendredi qui réunissait, avant la pandémie, des centaines de milliers de personnes dans les rues, Khaled Drareni a été convoqué à trois reprises à la direction de la sécurité intérieure. Il a été sommé de cesser de couvrir le Hirak sur Twitter, où il compte quelque 147 000 followers. Droit dans ses bottes, il refuse d’obtempérer à l’injonction.
Représailles, ou autres motifs inavouables, toujours est-il que le cas Drareni met sous pression les autorités algériennes. À commencer par le président Abdelmadjid Tebboune. Au cours d’une interview à la télévision nationale, le chef de l’État s’en est pris au journaliste sans le citer en lui reprochant d’avoir fait un compte rendu de son audition à une ambassade à Alger avant de l’affubler du sobriquet de khbardji (« mouchard » ou « informateur »). C’est dire qu’on n’est pas loin de l’accusation d’intelligence avec une puissance étrangère.
Une cabale politico-judiciaire ?
Plus que le président, c’est le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Amar Belhimer, qui cristallise la colère et l’indignation que charrie la condamnation de Drareni. C’est peu dire que ses propos après le verdict n’ont fait qu’alimenter cette colère.
Refusant de commenter la décision de la justice, le ministre a affirmé que Khaled Drareni, dont le procès en appel est fixé au 8 septembre, n’avait jamais été détenteur d’une carte de presse professionnelle.
Pour la défense de ce dernier, les accusations à peine voilées du président sur une collusion possible avec une représentation diplomatique accréditée à Alger et les propos de son ministre de la Communication, lui-même ancien journaliste et universitaire, sont des éléments constitutifs d’une cabale politico-judiciaire.
Pour les amis du prisonnier de Koléa, affirmer que Drareni n’a pas de carte de presse est une manière aussi maladroite que ridicule de tenter de justifier ses ennuis judiciaires.
Ils n’ont d’ailleurs pas manqué de relever, avec images à l’appui, que Belhimer avait été l’invité de Khaled Drareni en juillet 2016 lors d’une émission sur une chaîne privée. Et que le même journaliste avait interviewé la même année et sur le même plateau un certain Abdelmadjid Tebboune, à l’époque où il était ministre de l’Habitat sous la présidence de Bouteflika.
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