Assurances : avec Saham, Sanlam cherche encore la bonne formule

Deux ans après avoir jeté son dévolu sur le marocain Saham Finances, le géant sud-africain Sanlam tarde à tirer le meilleur parti de cette acquisition. Mais sa direction reste optimiste.

Le logo de Sanlam à côté du siège de l’entreprise au Cap en Afrique du Sud. © REUTERS/Mike Hutchings

Le logo de Sanlam à côté du siège de l’entreprise au Cap en Afrique du Sud. © REUTERS/Mike Hutchings

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Publié le 25 septembre 2020 Lecture : 5 minutes.

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Une grosse valorisation, une vaste empreinte géographique, une pléthore de personnalités… Quand Sanlam et Saham Finances annoncent leur mariage en mars 2018, les ingrédients d’un événement à marquer d’une pierre blanche sont réunis. Le premier assureur africain, qui se prévaut, au moment de l’opération, d’un chiffre d’affaires de 58,7 milliards de rands (4,5 milliards de dollars) au titre de l’année écoulée, signe un chèque de de 1,05 milliard de dollars pour acquérir la totalité des parts dans la branche assurances du groupe Saham, de Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie et du Commerce du Maroc depuis 2013.

« En 2018, Saham Finances a la plus grande couverture de marchés en Afrique (26 pays lors de l’acquisition) – hors Afrique du Sud –, et Sanlam bataille avec Old Mutual pour la place de leader en Afrique australe. Lorsque vous combinez Sanlam et Saham Finances, vous arrivez à la plus grande opération du secteur des assurances en Afrique, en dehors des réassureurs », rappelle un analyste financier.

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Une fusion à finir

Sur le papier, le mariage est quasi parfait car les deux groupes présentent des métiers complémentaires. L’assureur chérifien se positionne historiquement sur le créneau non-vie et le sud-africain sur celui de l’assurance vie. En fusionnant, sous la houlette de l’entité Sanlam Emerging Markets (SEM), chacun pouvait garder sa spécificité et poursuivre son développement tout en profitant de synergies comme l’optimisation de la réassurance et l’amélioration de la diversification des gammes de produits.

Saham Finances était implanté dans 26 pays avant la fusion. © DR

Saham Finances était implanté dans 26 pays avant la fusion. © DR

Chacune des deux entités est restée dans sa compétence métier, même si les synergies s’esquissent

Mais deux ans après la conclusion définitive du deal, la fusion des deux groupes n’est pas totalement aboutie. « Chacune des deux entités est restée dans sa compétence métier, même si les synergies s’esquissent, par exemple avec le partage d’expérience de Saham en gestion des sinistres », observe Yoann Lhonneur, directeur associé du cabinet Devlhon Consulting.

« Sanlam est davantage reconnu pour les produits vie, et Saham les produits non-vie, à savoir des assurances traditionnelles relatives à l’automobile, à l’habitation… Toutefois, l’intégration apporte une vraie capacité à servir la clientèle des multinationales », poursuit-il.

La situation est bien prise en compte par le géant sud-africain, qui entend mener à bien ses objectifs, initialement fixés à 2020. « L’intégration des entités de Saham est toujours en cours, et nous nous concentrons sur les synergies dans l’expansion des activités vie (life insurance) sur les marchés de Saham historiquement dominés par l’assurance générale (general insurance) », explique à JA Heinie Werth, le directeur général de SEM.

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Implanté mais pas encore leader en Afrique francophone

Longtemps cantonné à l’Afrique australe, Sanlam s’est massivement implanté dans les pays francophones grâce à cette fusion. Un gain qui s’est matérialisé dans les comptes du groupe sud-africain qui, après la consolidation des résultats de Saham, a dégagé des revenus en progression de près de 30 % l’an dernier, à 84,25 milliards de rands. L’assureur, qui compte désormais des filiales au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Côte d’Ivoire ou encore au Sénégal, doit néanmoins encore batailler pour atteindre son ambition de figurer parmi les leaders dans chacun de ces pays.

En Côte d’Ivoire – son premier marché subsaharien francophone –, Allianz, Sunu, Axa et NSIA se partagent l’essentiel du marché aux côtés de Sanlam. Et, bien que ce dernier reste leader sur le segment non-vie avec 52 milliards de F CFA (79 millions d’euros) de chiffres d’affaires en 2018, son pendant vie est largement devancé.

Les locaux de Sunu Assurance en Côte d'Ivoire à Abidjan, le 18 août 2015. © ISSOUF SANOGO /AFP

Les locaux de Sunu Assurance en Côte d'Ivoire à Abidjan, le 18 août 2015. © ISSOUF SANOGO /AFP

Sur le segment vie, Sunu Assurances Vie Côte d’Ivoire et Allianz Vie sont de loin les mieux implantés

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« Saham était historiquement très fort en IARD (incendies, accidents et risques divers), mais sur le segment vie, Sunu Assurances Vie Côte d’Ivoire [48 milliards de F CFA contre 24 milliards pour Saham en 2018] et Allianz Vie [27 milliards de F CFA] sont de loin les mieux implantés », nous confie un expert en assurances en Afrique de l’Ouest. Celui-ci note également que le changement de direction réalisé à la fin de 2018 et l’arrivée du Burkinabè Roland Ouedraogo en remplacement de l’architecte du développement de la filiale ivoirienne, Joël Ackah, a sans doute provoqué un « léger trou d’air, avec des pertes de portefeuilles. »

Une rationalisation encore en cours

Sanlam doit par ailleurs parachever la rationalisation de sa présence dans les pays où le groupe sud-africain et Saham s’étaient tous deux développés. Le processus a été entamé au Rwanda l’an dernier, où Sanlam a décidé de fusionner ses deux filiales Soras Assurance et Saham Rwanda, axées sur le segment vie. Mais aussi au Kenya, au mois de juillet, où il a cédé la filiale locale héritée du groupe marocain au profit de l’assureur mauricien MUA.

Afin d’éviter les doublons, le groupe a cédé sa participation au niveau d’Unitrust en 2019

Au Nigeria, la redéfinition de l’implantation est également en cours. Avant le rachat par Sanlam, Saham détenait une participation minoritaire dans Unitrust et une autre, majoritaire, dans Continental Re. De son côté, Sanlam disposait d’une part minoritaire dans FBN Insurance.

« Une fois le rapprochement réalisé, et afin d’éviter les doublons, le groupe a cédé sa participation au niveau d’Unitrust en 2019. Et au vu de l’importance du marché, il a renforcé sa position dans FBN Insurance, montant à 100 % au capital », explique-t-on au siège de Casablanca. Pour l’heure, reste donc encore le cas de Continental Re. Un investissement « qui n’a pas donné les résultats escomptés compte tenu de la situation économique du pays et qui a nécessité l’injection de nouveaux capitaux en 2018 », estime Godfrey Chingono, directeur adjoint assurances pour l’agence sud-africaine GCR Ratings.

« D’autres filiales ont des fondamentaux qui s’affaiblissent et qui ont besoin de capitaux », complète l’analyste sud-africain. En 2019, Sanlam a utilisé 48 millions de dollars pour recapitaliser ses activités en zone Cima, « mais avec peu de perspectives de retour sur investissement. Des coupes restent donc possibles », explique l’analyste.

Avec le coronavirus, Sanlam sécurise avant tout

Mais à l’heure où la crise du coronavirus mobilise toute l’attention du groupe, il est probable que la direction de Sanlam se concentre dans l’immédiat sur la gestion des affaires courantes. Sanlam traverse en effet « la période la plus difficile à laquelle le groupe a été confronté depuis de nombreuses décennies », a reconnu Paul Hanratty, le nouveau DG du groupe, à l’occasion de la présentation des résultats intérimaires. Au cours des six premiers mois de 2020, Sanlam a d’ailleurs affiché un résultat opérationnel en baisse de 39 %, à 3,5 milliards de rands contre 5,8 milliards en juin 2019.

L’urgence pour un groupe comme Sanlam n’est pas de vendre ou d’acheter des actifs, mais bien de sécuriser ses activités

« Dans l’immédiat, l’urgence pour un groupe comme Sanlam n’est pas de vendre ou d’acheter des actifs, mais bien de sécuriser ses activités », estime Patrick Vernet, expert dans le secteur des services financiers en Afrique, qui souligne la décision, intervenue en mai, de suspendre le plan d’expansion de l’assureur en Égypte et en Éthiopie.

>>> À lire sur Jeune Afrique Business + : Avec Emmanuel Brulé, Saham Assurance accélère son intégration dans Sanlam

Ralentie par la crise économique, la fusion des activités héritées de Saham avec celles de Sanlam reste néanmoins pleine de promesses, assure la direction du groupe sud-africain. Pour lui donner plus de visibilité, ce dernier vient d’adopter une marque commune : Sanlam Pan Africa. Déclinée en Sanlam Pan Africa Vie et Sanlam Pan Africa Non-Vie, pour des activités toujours gérées respectivement depuis Le Cap et Casablanca.

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